jeudi 17 novembre 2022

Pour une fiscalité responsable

Pierre Pestieau

Il existe depuis quelques temps un mouvement vivant à reformer la fiscalité en vue de la rendre plus responsable, c’est à dire plus efficace et transparente. Ce mouvement prend deux formes selon les champs couverts. 

Dans le domaine des dépenses sociales, il y a l’idée de lier étroitement les contributions de chacun aux prestations dont il bénéficie.  Chaque individu disposerait d'un compte personnel appelé « compte notionnel » dans lequel sont créditées chaque année ses contributions et sont débitées les dépenses sociales dont il bénéficie. Tout au long de la vie, le solde de ce compte évoluerait pour s’annuler en fin de vie. Au début, il serait négatif du fait des dépenses de santé, de garde et de scolarité. Au cours de la vie active, le compte serait renfloué pour être fortement positif afin de financer en fin de vie les dépenses de retraite, de santé et éventuellement de dépendance. Cette idée de compte notionnel est surtout mise en application dans le domaine des retraites. Tout au long de la vie active, les cotisations de retraite, qu’elles soient payées par le travailleur ou l’employeur, sont accumulées pour être converties à l'âge de la retraite en une rente viagère. L’avantage de cette formule est que, sachant que ses contributions lui sont retournées tôt ou tard en toute transparence, l’individu n’a aucun incitant à éluder le paiement des différentes contributions qui lui sont réclamées.

La critique principale de cette formule est qu’elle repose sur une hypothèse de rationalité de la part des agents et qu’elle néglige la dimension redistributive. Or, faut-il le rappeler, les raisons qui ont présidé au développement de la protection sociale sont le souci de redistribution et la nécessité de forcer des individus « cigales » à une certaine frugalité.

La seconde idée est celle des impôt spécialisés (en anglais earmarked). Il s’agit d’un impôt affecté à une dépense précise et prélevé en fonction de l’usage que le contribuable fait de cette dépense. Citons deux exemples. D’abord celui de la fameuse redevance télé, abandonnée il y a quelques années, taxe uniforme payée par tout propriétaire de téléviseur pour financer la télévision publique. Ensuite, il y a les péages autoroutiers censés financer la construction et l’entretien des autoroutes. Les domaines où l’on peut recourir à ces impôts spécialisés sont limités. Les domaines régaliens sont exclus de même que le financement de biens publics. Là où il peuvent l’être, ils présentent de sérieux défauts. D’abord, ils sont régressifs dans la mesure où ils ne tiennent pas compte de la capacité contributive des individus. Ensuite, ils peuvent être évités. On rappellera que beaucoup de ménages ne payaient pas la redevance télé. Enfin, ils se prêtent à des subventions croisées qui en compromettent l’objectif. Plus précisément le produit d’une taxe peut être en partie dévié vers un autre objectif que celui qui lui est assigné. Inversement, la dépense dont il est question peut être financée par d’autres impôts.

Pour nous résumer ces deux types d’impôts appartiennent dans la plupart des cas à ce que je n’hésite pas à qualifier de catalogue des mauvaises idées. Il faut le rappeler, il n’existe pas de fiscalité sans douleur. En revanche il existe de nombreuses taxes injustes.

2 commentaires:

  1. Voilà une opinion très discutable même si arguments séduisant. En effet on peut raisonnablement combiner redistribution et responsabilité dans une compte sécurité sociale. La transparence et simplicité sont des valeurs centrales. La gestion globale sécurité sociale est source d'opacité et de manque de responsabilité qui au final menace la solidarité

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