Rapport IRSS COVID-19

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Un panorama des travaux de recherche sur la COVID-19 à l’Institut de Recherche Santé et Société (IRSS) de l’UCLouvain

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Santé et Société

10 → 12

1 Expériences et manifestations de la population générale vis-à-vis des mesures de gestion et de sortie de la crise sanitaire

13 → 14 15 → 16

Etude 1 Etude 2

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Etude 3

19 → 21

Etude 4

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Etude 5

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Etude 6

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COVID et moi TACOM : Tackling the COVID-19 outbreak : assessing the public’s risk perceptions and adherence to measures Melting Point, analyse qualitative du recours aux soins de première ligne par les personnes en situation vulnérable en Région de Bruxelles-Capitale Qui vacciner en premier ? Préférences de la population sur la priorité au vaccin contre la COVID-19 Qui a l’intention de se faire vacciner contre la COVID-19 ? Administration de vaccins par les infirmier·ère·s, sages-femmes et pharmacien·ne·s d’officine : Une étude multinationale comparant les pratiques vaccinales par des non-médecins

2 Expériences et manifestations pour les patient·e·s atteint·e·s de la COVID-19 ou non dans la société

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Etude 7

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Etude 8

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Etude 9

Présentation clinique et taux de mortalité intrahospitalière des premier·ère·s patient·e·s âgé·e·s infecté·e·s par le SARS-CoV-2 hospitalisé·e·s en gériatrie aux Cliniques universitaires Saint-Luc Étude sur les symptômes précoces de la COVID19 et sa transmission au sein d’une famille Organisation d’un débat multi-disciplinaire concernant l’impact de la COVID-19 sur les résident·e·s confiné·e·s en MR-MRS en région bruxelloise


38 → 41

42 → 44 45 → 46

Etude 10

3 COVID et travail professionnel Étude 11

47 → 48

Étude 12

49 50 → 52

Étude 13 Étude 14

53 → 54

Étude 15

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Etude 16

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Utilisation de soins pendant la crise COVID-19 : recours, report et renoncement, l’enquête US3R

Impact de la pandémie de COVID-19 sur le risque d’épuisement professionnel du personnel infirmier en Belgique Facteurs de risques et protecteurs de l’anxiété des assistant·e·s de médecine générale au début de la crise sanitaire du COVID-19 Résilience de la première ligne en Région Wallonne Analyse d’impact de l’épidémie de COVID-19 sur les structures d’hébergement collectifs en Région wallonne des secteurs de la santé et de l’action sociale et établissement de recommandations L’expérience des réunions virtuelles dans les universités et dans le secteur de la santé Les réunions virtuelles : témoins des inégalités de genre au sein des universités

Conclusion


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Santé et Société

Introduction


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La santé est étroitement liée à la société, qui lui attribue une importance variable et lui donne des significations différentes selon les époques et les endroits du monde. La santé, vue dans ses liens avec la société, est au centre des recherches menées à l’IRSS : un institut de recherche qui rassemble des chercheur·e·s provenant de disciplines différentes et complémentaires, comme la santé publique, l’épidémiologie, la médecine, l’économie de la santé ou la sociologie. La crise sanitaire suscitée par la pandémie de la COVID-19 a considérablement mis à l’épreuve, et continue à mettre à l’épreuve, les liens entre santé et société. Les mesures de distanciation sociale, prises au nom de la santé, ont affecté les communautés à la base de la société. Ces mesures ont aussi remis en question les routines de chaque citoyen et citoyenne : quelles que soient leurs façons d’être dans le monde et en relation, coiffé·e·s ou hirsutes, impliqué·e·s dans de multiples communautés ou plus solitaires, fortement connecté·e·s aux médias sociaux ou non, leurs routines ont été questionnées par les mesures prises pour contenir la pandémie. De cette façon, la pandémie a également interrogé le rapport que chacun·e entretient avec la santé, l’importance relative qu’il ou elle attribue à sa santé physique et psychique, et la valeur qu’il ou elle donne à différents déterminants de la santé, tantôt sociaux, économiques ou sanitaires. Et les moyens d’action Introduction


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et thérapeutiques dont dispose la société, des masques à la vaccination, n’ont pas non plus échappés à la réflexion ; une réflexion qui a notamment permis d’interroger la confiance des citoyen·ne·s pas rapport à ces moyens, par rapport à la médecine, à l’industrie pharmaceutique, ou aux expert·e·s en général. Enfin, les groupes professionnels, les services et les institutions de soins, comme intermédiaires entre les citoyen·ne·s et l’état, se sont retrouvés au-devant de la scène : leur charge de travail a, dans certains cas, fortement augmenté, et les conditions dans lesquelles le travail est réalisé ainsi que les méthodes et les outils utilisés ont été, tout à coup, chamboulés. Ces quelques exemples ne suffisent pas à décrire l’importance de l’épreuve collective associée à la crise sanitaire. Par contre, ils sont amplement suffisants pour justifier l’engagement des chercheur·e·s de l’IRSS dans l’effort international de recherche qui s’est déployé face à la pandémie. Leurs travaux ont abordé des thématiques aussi diverses que, par exemple, la vaccination, le bien-être des professions médicales et paramédicales, la généralisation des réunions virtuelles, et la santé mentale des citoyens dans le contexte du confinement. Quelles que soient les thématiques abordées, ces travaux s’inscrivent tous dans une volonté de saisir collectivement, ou de produire une image empiriquement ancrée de la crise sanitaire. Ils ont dès lors visé à identifier et comprendre les manifestations Introduction


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objectives et subjectives de la crise, par exemple dans le cadre des expériences vécues, des mesures prises pour y faire face, mais aussi de la maladie de la COVID-19. De plus, l’ensemble des travaux menés à l’IRSS comportent, explicitement ou implicitement, des pistes de réflexions ou des recommandations qui sont destinées tantôt aux décideurs politiques, tantôt aux groupes professionnels, ou encore aux responsables, gestionnaires et managers des services et institutions de soins de santé. Ce rapport, qui paraît un an après le début de la pandémie de COVID-19 en Belgique, propose un panorama des travaux de recherche réalisés à l’IRSS, répartis en trois thèmes. Le premier thème traduit les expériences de la population générale et fait écho aux effets de la crise et des mesures de gestion et de sortie de crise au niveau de la société. Le second plonge au cœur du système de soins, pour s’intéresser aux expériences et aux manifestions de la crise telles qu’elles ont été vécues au sein de ce système par les patient·e·s atteint·e·s de la COVID-19 ou souffrant d’autres problèmes de santé physique ou psychique. La troisième thématique met en lumière les professionnels, leurs expériences du contexte de crise sanitaire et de nouvelles pratiques et méthodes de travail qui ont été déployées, rapidement et sans préparation, dans ce contexte.

Introduction


1 Expériences et manifestations de la population générale vis-à-vis des mesures de gestion et de sortie de la crise sanitaire

Thème 1


11 La situation sanitaire inédite générée par la pandémie de la COVID-19 a justifié la mise en place de mesures de confinement, dès mars 2020. De plus, afin de réduire le risque de contracter le virus ou de le transmettre à d’autres, des gestes barrières et des mesures de distanciation sociale se sont imposés dans la vie courante et professionnelle. Plus récemment, des stratégies de tests et de vaccination ont également été mises en place. La recherche de l’IRSS a contribué aux débats sur les conséquences des mesures de gestion et de sortie de la crise sanitaire à travers plusieurs projets de recherche basés sur des collectes de données auprès de la population générale. L’enquête « COVID et moi » est une étude longitudinale de l’impact des mesures de confinement sur la santé mentale de la population en Belgique depuis le printemps 2020. L’étude TACOM a collecté les connaissances, les perceptions et les comportements des citoyen·n·e·s belges, face aux mesures de protection préconisées ou imposées par le gouvernement pour limiter la propagation du virus. L’étude Melting Point a collecté les conséquences sur l’accès et le recours aux soins et aux services sociaux des personnes en situation de vulnérabilité à Bruxelles. Enfin, les enjeux de la vaccination ont été analysés dans le cadre de trois études. La première étude révèle les préférences de la population concernant les sous-groupes de la population qui devraient être vaccinés en priorité contre la COVID-19. La seconde identifie les personnes qui ont l’intention de se faire vacciner, et surtout celles qui hésitent encore ou qui refuseront la vaccination. La dernière s’interroge sur la mise en place concrète de la vaccination dans la population et de son administration par des non-médecins. Les résultats de ces recherches s’adressent principalement aux décideurs politiques mais aussi à la population générale. Les résultats de l’étude « COVID et moi » mettent en exergue l’importance de l’impact des mesures de confinement et de gestes barrières sur la santé mentale de la population. Cette dernière a d’ailleurs fait l’objet d’une plus grande attention lors des mesures de confinement en automne 2020. L’étude TACOM suggère qu’il est essentiel de documenter les raisons qui motivent certaines décisions gouvernementales et de mettre en œuvre des actions de proximité et des démarches Thème 1


12 participatives pour accompagner les campagnes grand public. L’utilisation d’un langage accessible et de canaux qui permettent de toucher le plus grand nombre, en tenant compte au maximum des facteurs qui sont susceptibles de diminuer l’accessibilité des messages de prévention est particulièrement nécessaire. L’étude Melting Point montre que pour les personnes vulnérables, le confinement a accentué l’isolement social, les tensions et les violences intrafamiliales, tout en réduisant les opportunités de contacts vers l’extérieur tant au travail, qu’avec les maisons médicales, les services sociaux et de santé. Les trois études sur la vaccination ont mis en avant deux éléments d’importance pour guider une campagne de communication autour de la vaccination contre la COVID-19 qui a plus de chances d’être couronnée de succès. La première étude montre que l’opinion des Belges quant à la priorité au vaccin contre la COVID-19 différait des sous-groupes identifiés par les autorités et les expert·e·s dès le moment où l’expérimentation fournissait des chiffres précis sur ce qu’être un fort propagateur du virus voulait dire concrètement. Les préférences de la population s’orientaient vers une vaccination en priorité des personnes avec des comorbidités, des fort·e·s propagateur·trice·s du virus et des professions essentielles sans inclure les plus âgé·e·s dans les groupes prioritaires au vaccin. La seconde étude montre que l’hésitation vaccinale pour la COVID-19 est plus forte que pour les autres maladies infectieuses et que près d’une personne sur cinq pourtant favorable à la vaccination en général, ne souhaite pas se faire vacciner contre la COVID-19. Les stratégies de santé publique devront donc s’attaquer aux barrières dans l’adoption du vaccin contre la COVID-19 au-delà de la résistance aux vaccins en général. La dernière fournit au SPF Santé Publique Sécurité de la chaine Alimentaire et Environnement des éléments de réflexion concernant les pratiques d’administration des vaccins à l’international par d’autres soignant·e·s que des médecins.

Thème 1


Etude 1 COVID et moi

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Auteurs et affiliations Vincent Lorant (IRSS, UCLouvain) Pablo Nicaise (IRSS, UCLouvain) Pierre Smith (IRSS, UCLouvain) Camille Duveau (IRSS, UCLouvain) Kris Van Den Broeck (UAntwerpen) Coralie Gandré (IRDES, Paris) Magali Coldefy (IRDES, Paris) Dans la presse L’Echo, 06/04/2021 Les lourds effets psychologiques du confinement. Une étude menée par l’UCLouvain montre que 52% des Belges expriment un malêtre. Le confinement imposé par l’épidémie de Covid-19 impacte tout particulièrement les femmes et les jeunes. Pourquoi ?

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Thème 1 / Étude 1

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Résumé de la recherche La mise en place de mesures de quarantaine et de confinement lors d’épidémies antérieures ont montré un effet significatif sur l’état de santé mentale des personnes confinées (Brooks, 2020). Dès le 21 mars, soit trois jours après la mise en œuvre des premières mesures de confinement, le groupe Mental Health Services Research (MHSR) de l’IRSS a lancé une vaste enquête en population afin de mesurer l’impact de ces mesures sur la santé mentale de la population en Belgique, et d’identifier les déterminants du mal-être psychologique. Un questionnaire composé d’échelles validées internationalement a été mis en ligne. Le mal-être psychologique était notamment mesuré grâce au GHQ-12, instrument aussi utilisé lors des enquêtes de santé par interview menées tous les 5 ans par Sciensano. Plus de 20,000 réponses valides ont été obtenues lors du premier point d’enquête cinq jours après le début du confinement, 12,000 réponses ont été obtenues lors du premier contact de suivi un mois plus tard (21 avril), et 9,000 réponses lors du second contact de suivi (21 juin). Par ailleurs, l’enquête a été répliquée dans des conditions proches en France grâce à une collaboration avec l’Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé


14 (IRDES). Les résultats montrent la survenue d’un seuil significatif de détresse psychologique chez 53% des répondant·e·s en Belgique, et chez 33% des répondant·e·s en France dès les premiers jours du confinement. En tenant compte du potentiel biais de sélection dans l’échantillon belge, nous avons estimé une augmentation de 2,3 fois de la prévalence de détresse psychologique en Belgique en comparaison à celle mesurée en 2018 par Sciensano. Dans les deux pays, l’exposition au virus et au confinement constituaient des facteurs de risque. Certains groupes de la population présentaient des prévalences plus élevées de détresse psychologique au début du confinement, notamment les femmes et les jeunes. Suite au déconfinement, l’état psychologique des répondant·e·s s’est amélioré significativement chez un tiers des répondant·e·s, notamment chez les personnes qui se sentaient moins seules, celles qui ont augmenté la fréquence de leurs contacts sociaux, et celles qui ont augmenté leurs activités sportives ou domestiques. Toutefois, on a pu observer une détérioration tardive de l’état de santé mentale chez 25% des répondant·e·s. Une quatrième vague de collecte de données a été organisée à l’automne 2020 suite aux nouvelles mesures de confinement. Les analyses détaillées de l’étude sont toujours en cours.

Références Brooks SK, Webster RK, Smith LE, Woodland L, Wessely S, Greenberg N, Rubin GJ. The psychological impact of quarantine and how to reduce it : rapid review of the evidence. The Lancet. 2020;395(10227):912-20. Pour en savoir plus → E. Rens, P. Smith, P. Nicaise, V. Lorant, K. Van den Broeck. Mental distress and its contributing factors among young people during the first wave of COVID-19 : a Belgian survey study. Frontiers in Psychiatry 2021, 12, 575553. → V. Lorant, P. Smith, K. Van den Broeck, P. Nicaise. Psychological distress associated with the COVID-19 pandemic and suppression measures during the first wave Non essentiel.jpg in Belgium. BMC Psychiatry 2021. 21(1):11.

Thème 1 / Étude 1


Etude 2 TACOM : Tackling the COVID-19 outbreak : assessing the public’s risk perceptions and adherence to measures

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Thème 1 / Étude 2

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Auteurs et affiliations Isabelle Aujoulat (IRSS/RESO, UCLouvain) Bénédicte Scheen (IRSS/RESO, UCLouvain) Kirsten Vanderplanken (IRSS/CRED, UCLouvain) Stephan Van den Broucke (IPSY, UCLouvain) Joris van Loenhout (IRSS/CRED, UCLouvain) Résumé de la recherche La situation épidémiologique a mis en lumière l’importance des comportements individuels dans la prévention de la propagation du virus, et donc l’importance de l’adhésion aux mesures de prévention recommandées ou imposées. L’adhésion à des comportements prescrits est un phénomène particulièrement complexe, notamment lorsque l’enjeu n’est pas seulement la protection individuelle mais également la protection des autres, du système de santé dans son ensemble, et la résilience psychologique, sociale et économique à terme. Grâce au soutien de la Fondation Louvain, les équipes de recherche de la Promotion de la Santé et de l’Epidémiologie des Désastres au sein de l’IRSS et de l’Institut de Sciences Psychologiques ont réalisé une enquête en ligne sur un échantillon représentatif de plus de 2,000 personnes durant le mois de septembre 2020. Le questionnaire a été élaboré en référence au cadre théorique de la Motivation à la Protection (Floyd et al. 2000), selon lequel la probabilité d’adopter un comportement dépend à la fois de l’idée que l’on se fait de (i) la sévérité du risque associé au fait de ne pas adopter ce comportement, (ii) sa propre vulnérabilité à l’égard de ce risque, (iii) l’utilité des mesures prescrites, et (iv) la capacité que l’on s’attribue à mettre en œuvre les mesures et à maintenir les gestes adéquats dans la durée. Les résultats montrent que les répondant·e·s avaient généralement bien respecté les mesures et souhaitaient continuer de


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le faire à l’avenir. Parmi les facteurs qui influençaient leur motivation, il y avait la perception de l’utilité des mesures, significativement associée à l’adhésion passée et à l’intention d’adhérer dans le futur. La perception de la sévérité de la menace n’était quant à elle pas significativement associée aux comportements d’adhésion. Parmi les recommandations alors en vigueur, le respect de la bulle limitée à 5 personnes était la plus difficile à respecter. C’est également la mesure qui recueillait le plus faible taux d’adhésion déclarée pour le futur. A la question de savoir quels étaient les médias les plus couramment consultés et quelles étaient les sources d’information considérées les plus crédibles, les répondant·e·s ont d’abord cité la télévision, suivie des journaux imprimés ou électroniques. Les expert·e·s scientifiques ou les professionnel·le·s de santé étaient considéré·e·s comme la source d’information la plus fiable, avant les journalistes et le politique. Enfin, au travers des résultats de notre étude, nous avons tenté d’identifier certains groupes qui seraient éventuellement plus à risque de ne pas comprendre ou de ne pas mettre en œuvre les mesures de prévention. Au travers de nos résultats, nous faisons le constat que les répondant·e·s francophones présentaient des scores de compréhension et d’adhésion plus bas que les répondant·e·s néerlandophones, et que les jeunes adultes (18 à 30 ans) étaient également susceptibles de suivre moins rigoureusement les mesures prescrites. Enfin, les personnes les moins éduquées et aux revenus les plus bas, ont déclaré également se trouver en difficulté pour appliquer strictement les mesures. Ces deux derniers groupes se caractérisant par une vulnérabilité particulière quant à l’impact psychosocial et socio-économique des mesures, des communications spécifiques devraient leur être adressées.

Références Floyd DL, Prentice-Dunn S, Rogers RW. A Meta-Analysis of Research on Protection Motivation Theory. Jounal of Applied Social Psychology. 2000;30(2):07–29. Pour en savoir plus → I. Aujoulat, B. Scheen, K. Vanderplanken, S. Van den Broucke, J. van Loenhout. COVID-19-Les Belges souhaitent adhérer à des mesures utiles …, Louvain Médical, Janvier 2021, pp.8-13. → Le rapport complet de l’étude peut être consulté sur DIAL. Thème 1 / Étude 2


Etude 3 Melting Point, analyse qualitative du recours aux soins de première ligne par les personnes en situation vulnérable en Région de Bruxelles-Capitale

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Auteurs et affiliations Sophie Thunus (IRSS, UCLouvain) Carole Walker (IRSS, UCLouvain) Alexandre Donnen (Institut de sociologie, ULB) Alexis Creten (IRSS, UCLouvain)

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Thème 1 / Étude 3

Résumé de la recherche L’étude « Melting Point », commanditée par l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale, s’intéresse à l’accès et au recours aux soins de première ligne pour les personnes en situation de vulnérabilité. L’étude porte sur l’accessibilité financière, matérielle et géographique des soins, mais elle examine plus particulièrement les éléments relationnels qui influencent l’accès et le recours, ou le nonrecours aux soins. Ces éléments comprennent la relation des personnes à la santé, par exemple, quelle valeur donnent-elles à leur santé ? ; ainsi que leur relation au système de soins et aux professionnel·le·s de la santé. Afin de comprendre ces relations, le projet repose sur des entretiens qualitatifs avec des professionnel·le·s d’une part, et avec la population d’autre part. La combinaison d’une approche territoriale, focalisée sur le croissant pauvre de Bruxelles et plus spécifiquement Cureghem ; et de situation, celle de la monoparentalité féminine en Région de BruxellesCapitale, permet de délimiter la recherche et d’approfondir les éléments identifiés lors des entretiens. Lorsque que la pandémie de la COVID-19 a débuté, l’équipe a décidé de poursuivre la recherche dans le respect


18 des mesure sociales et sanitaires. Les entretiens ont donc été réalisés selon des modalités adaptées. Le sujet de la recherche n’a pas été modifié, mais les personnes que nous avons rencontrées se sont exprimées sur l’influence de la crise sur leur santé, directement ou en altérant l’équilibre, fragile, de leur situation. Première observation : dans un contexte de vulnérabilité, le confinement est double. C’est un sur-confinement. L’isolement social qui peut accompagner la monoparentalité féminine est amplifié, dans les logements exigus, les habitants étouffent, les tensions sont exacerbées, les violences intrafamiliales augmentent et les (rares) relations qui servaient d’échappatoire, par exemple au travail, dans une association ou avec un·e médecin, n’existent plus. Deuxième observation : les services sociaux et de santé, par exemple les maisons médicales, jouent un rôle qui ne se limite pas à leurs activités formelles. Ils constituent des espaces multifonctionnels et de sociabilité : on y trouve de l’écoute, un relai vers d’autres services, une prise de courant pour recharger son téléphone … Les situations de (grande) vulnérabilité risquent fortement de se détériorer pendant la crise. Troisième observation : cette rupture apparaît d’autant plus problématique qu’elle met en danger une communication (information sanitaire, messages de prévention, et téléconsultation), déjà fragile, entre les autorités de santé et les prestataires de soins d’une part, et la population d’autre part. Les situations de vulnérabilité, telles que définies ici, constituent des priorités vers lesquelles diriger les mesures d’aide et de support (social, psychologique, technologiques, etc.) aux services et à la population.

Références Fleury C. Le soin est un humanisme. Paris : Tracts Gallimard. 2019. p. 17.

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Thème 1 / Étude 3


Etude 4 Qui vacciner en premier ? Préférences de la population sur la priorité au vaccin contre la COVID-19

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Auteurs et affiliations Jeroen Luyten (KULeuven) Sandy Tubeuf (IRSS / IRES, UCLouvain) Roselinde Kessels (Maastricht University, The Netherlands) Dans la presse Le Soir, 16/11/2020 Coronavirus : qui vacciner d’abord ? Les Belges pensent aux plus fragiles et aux métiers essentiels Alternatives Économiques, 14/11/2020 COVID-19 : qui vacciner en priorité ?

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Résumé de la recherche Un vaccin efficace contre la COVID-19 n’est pas immédiatement disponible en quantités suffisantes pour vacciner toute la population. Les autorités nationales comme internationales ont donc dû mettre en place des stratégies de vaccination selon différentes caractéristiques comme l’âge (vacciner les plus âgé·e·s), la profession (vacciner les professionnel·le·s de santé) et l’état de santé (vacciner ceux qui ont une maladie chronique). Cependant, il est nécessaire que la population adhère à la stratégie finalement choisie pour que la politique de vaccination fonctionne. L’opinion de la population est donc importante et pourtant elle ne s’est pas encore exprimée à ce propos. Un échantillon représentatif de 2,000 Belges (18-80 ans) a été invité à répondre à une expérimentation de classement « meilleur/pire » et de choix discrets afin de révéler ses préférences sur la façon dont le vaccin contre la COVID-19 devrait être alloué dans la population. Dans l’exercice de classement « meilleur/ pire », les enquêté·e·s devaient ranger 8 stratégies de la plus appropriée à la moins appropriée. Les stratégies proposées Thème 1 / Étude 4


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Thème 1 / Étude 4

comprenaient : (1) prioriser ceux·celles qui ont des maladies chroniques et comorbidités, (2) prioriser les plus âgé·e·s, (3) prioriser ceux·celles qui propagent fortement le virus, (4) prioriser ceux·celles qui travaillent, (5) prioriser les professions essentielles, (6) ne prioriser personne et donner le vaccin en utilisant par exemple une loterie, (7) prioriser ceux qui se décident le plus vite (‘premier-arrivé premier-servi’) and (8) prioriser les plus offrants (comme sur un marché d’échange). Trois sous-groupes prioritaires au vaccin contre la COVID-19 ont été identifiés : en premier, ceux·celles qui ont des maladies sous-jacentes, puis les professions essentielles et en troisième les personnes de plus de 60 ans. Les autres stratégies comme donner le vaccin avec une loterie, un système de ‘premier-arrivé premier-servi’ ou un accès selon la capacité à payer étaient les stratégies les moins appropriées selon la population. Dans l’expérimentation à choix discrets, les chercheur·se·s ont présenté aux enquêté·e·s des profils de personnes en paires en leur demandant de choisir laquelle des deux personnes ils·elles souhaiteraient vacciner en premier. Les personnes étaient présentées selon cinq caractéristiques (1) leur âge (plus ou moins de 60 ans), (2) leur profession (identifiée comme ‘essentielle’ ou pas), (3) leur santé (avec ou sans comorbidité), (4) leur impact économique sur la société (0, 100, 1000 euros par journée maladie) et (5) combien la personne pourrait contaminer d’autres personnes (1 ou 10 personnes). Ces profils étaient présentés de telle sorte que les enquêté·e·s savaient concrètement combien de personnes un propagateur·trice contaminerait et combien cela couterait à la société si la personne était malade de la COVID-19. Un total de 20,000 choix entre des paires de profils a été analysé et a permis de déduire l’importance donnée à chacune des caractéristiques pour décider d’un accès prioritaire au vaccin contre la COVID-19. Dans l’expérimentation des choix, l’ordre des priorités a changé. Les enquêté·e·s se divisaient en deux groupes, alors que les deux groupes positionnaient clairement la vaccination des professions essentielles en seconde position, le groupe 1 souhaitait vacciner en premier ceux qui diffusaient le virus alors que le groupe 2 mettait en premier les personnes avec une comorbidité. Le groupe 2 (priorité aux malades) était principalement composé de personnes ayant un emploi, vivant dans les régions


21 néerlandophones de la Belgique, qui accepteraient d’être vaccinées contre la COVID-19, et selon lesquelles la question de choisir les groupes prioritaires n’appartiendrait pas à la population. Ni l’âge ni le statut socioéconomique (avoir une profession essentielle, situation financière et niveau d’éducation) n’étaient associés à être dans un groupe ou l’autre. De fait, dans l’expérimentation des choix, vacciner ceux·celles qui ont plus de 60 ans ou ceux·celles qui coûteraient le plus à la société n’est plus prioritaire en comparaison avec les autres sous-groupes. Pour en savoir plus → Luyten J, Tubeuf S, Kessels R. Who should get it first ? Public preferences for distributing a COVID-19 vaccine. COVID Economics, Vetted and Real-Time Papers. 2020;57. → Luyten J, Kessels R, Tubeuf S. Public preferences for prioritising a COVID-19 vaccine. VoxEU, 25 November 2020.

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Thème 1 / Étude 4


Etude 5 Qui a l’intention de se faire vacciner contre la COVID-19 ? Restriction.jpg

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Auteurs et affiliations Roselinde Kessels (Maastricht University, The Netherlands) Jeroen Luyten (KULeuven) Sandy Tubeuf (IRSS / IRES, UCLouvain)

Dans la presse Le Soir, 14/12/2020 « Quel est le profil des Belges qui hésitent à se faire vacciner contre le coronavirus ? » Résumé de la recherche Alors que des vaccins efficaces contre la COVID-19 sont disponibles, les autorités font face à un défi majeur : obtenir des taux de vaccination qui seront suffisants pour atteindre l’immunité collective qui permettra de rompre la contagion du virus dans la population. Le défi est donc de convaincre un large nombre de personnes qui hésitent à se faire vacciner. Ces dernières années, les chercheurs ont observé un accroissement du nombre de personnes méfiantes par rapport à la vaccination, on les appelle les « antivax » (Luyten et al. 2014). Cette résistance à la vaccination s’explique essentiellement par la désinformation sur les vaccins propagée sur internet mais aussi par un sentiment de sécurité puisque les conséquences désastreuses des maladies infectieuses ont justement disparu grâce aux vaccins. Un échantillon représentatif de 2,060 Belges (18-80 ans) a été interrogé sur son intention d’être vacciné contre la COVID-19 tout en collectant son opinion sur la vaccination en général et des caractéristiques individuelles. Globalement, 34% des personnes interrogées rapportent qu’elles se feront absolument vacciner, 39% qu’elles se feront probablement vacciner, 18% qu’elles ne se feront probablement pas vacciner et 9% qu’elles refuseront catégoriquement d’être vaccinées. Les personnes qui sont satisfaites de la façon dont le gouvernement a géré la crise de la pandémie sont 3 fois plus favorables à être vaccinées que les personnes très insatisfaites du gouvernement. Les Thème 1 / Étude 5


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personnes de plus de 45 sont plus favorables à la vaccination et la probabilité de se faire vacciner augmente avec l’âge. Les néerlandophones rapportent 2,4 fois plus souvent qu’ils se feront vacciner que les francophones et les personnes qui connaissent quelqu’un·e qui a été hospitalisé·e à cause de la COVID-19 rapportent près de 2 fois plus souvent qu’elles se feront vacciner. Les autres caractéristiques qui expliquent la probabilité de se faire vacciner sont le fait d’être de sexe masculin et à risque de formes graves de COVID-19 à cause de sa santé. En revanche, le niveau d’éducation, le fait d’avoir des enfants ou d’exercer une profession essentielle n’est pas associé à la probabilité de se faire vacciner. Alors que 90% des enquêté·e·s rapportent que la vaccination contre les maladies infectieuses est très utile ou plutôt utile, seulement 73% rapportent qu’ils se feront absolument ou probablement vacciner contre la COVID-19 quand il y aura un vaccin. C’est l’âge qui semble expliquer les plus grandes variations dans les intentions de se faire vacciner contre la COVID-19. Près d’une personne sur 5 (17%), qui considère pourtant que la vaccination contre les maladies infectieuses est utile voire très utile, rapporte qu’elle n’a pas l’intention de se faire vacciner contre la COVID-19. Il s’agit de femmes, âgées de moins de 54 ans, qui sont francophones, avec une éducation moyenne à faible et qui ont un emploi. La plupart d’entre elles ne sont pas à risque du fait de leur santé (76%) et n’ont pas connu dans leur entourage quelqu’un qui a été hospitalisé à cause de la COVID-19 (97%). Alors que 59% de la population se dit satisfaite de la façon dont le gouvernement a géré la crise de la pandémie, les personnes insatisfaites représentent 73% dans ce sous-groupe. Ces résultats montrent que la COVID19 n’est pas considérée comme n’importe quelle maladie infectieuse et que la population est moins favorable au vaccin contre la COVID-19 qu’aux autres vaccins.

Références Luyten J, Desmet P, Dorgali V, Hens N, Beutels P. Kicking against the pricks : vaccine sceptics have a different social orientation. European Journal of Public Health. 2014;24(2):310-4. Pour en savoir plus → Kessels R, Luyten J, Tubeuf S. Willingness to get vaccinated against COVID-19 : profiles and attitudes towards vaccination. IRES Discussion Paper, 2020, numéro 35. Thème 1 / Étude 5


Etude 6 Administration de vaccins par les infirmier·ère·s, sages-femmes et pharmacien·ne·s d’officine : Une étude multinationale comparant les pratiques vaccinales par des non-médecins Variant.jpg

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Auteurs et affiliations Béatrice Scholtès (ULiège) Stéphanie Valentin (LDRI/CLIP, UCLouvain) Anne Spinewine (LDRI/CLIP, UCLouvain) Thérèse Van Durme (IRSS, UCLouvain)

Résumé de la recherche Malgré les succès remportés au cours du siècle dernier et les arguments de santé publique et économiques en faveur de la vaccination, les taux de couverture vaccinale diminuent. Parmi les stratégies censées augmenter le taux de couverture, l’extension de la prescription et de l’administration par des non-médecins, semble intéressante. Les objectifs de ce projet sont de donner un aperçu de la situation dans les pays de l’Union Européenne (UE) et dans certains pays membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) concernant la question de savoir si les infirmières, les pharmacien·ne·s et les sages-femmes étaient autorisé·e·s à vacciner, et quelles formations et autres exigences étaient nécessaires pour qu’ils·elles puissent le faire légalement. Dans le contexte de l’arrivée du vaccin contre la COVID-19, les autorités fédérales ont voulu mettre un coup d’accélérateur dans la réflexion concernant le fait de confier la vaccination à des non médecins. Cette étude qualitative a été menée de mars à août 2020, sur base des écrits publiés sur les sites officiels des pays de l’UE (EU, 2018) ainsi qu’Israël, Thème 1 / Étude 6


25 les USA, l’Australie et le Canada. Il s’agit d’une enquête par questionnaire à questions ouvertes et entretiens complémentaires. Cette étude offre un aperçu de la pratique actuelle de l’administration des vaccins dans les États voisins et comparables à la Belgique. Nous avons décrit un panorama hétérogène de systèmes de santé qui gèrent l’administration de la vaccination de différentes manières. La littérature sur le thème du transfert des tâches vers l’administration de vaccins sans médecin suggère qu’il y a des pistes à exploiter en termes de possibilités de communication et d’accessibilité pour les patients. Les informations que nous avons recueillies indiquent qu’il existe de nombreuses possibilités d’apprentissage transfrontaliers dans ce domaine. A l’heure où le vaccin contre la COVID-19 est sur le point d’être mis sur le marché, une adaptation de la réglementation, du financement et surtout de la formation des professionnel·le·s, cette étude apporte des éléments pouvant nourrir la réflexion des décideurs.

Références European Union. Expert Panel on effective ways of investing in Health (EXPH), Preliminary report on Vaccination Programmes and Health Systems in Europe. 2018. Available from : view PDF

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Thème 1 / Étude 6


2 Expériences et manifestations pour les patient·e·s atteint·e·s de la COVID-19 ou non dans la société

Thème 2

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27 Lors de la première vague, les connaissances sur le SARSCoV-2 et sa transmission, ainsi que sur les symptômes spécifiques de la maladie COVID-19 et les conséquences de celles-ci, étaient limitées. Étudier ces différents aspects a permis de faire évoluer ces connaissances au fil des jours et des semaines. Par ailleurs, cette crise sanitaire et le confinement mis en place ont aussi eu des impacts sur les soins de santé apportés aux personnes qui n’étaient pas atteintes de cette maladie, et dont les conséquences commencent à être connues suite aux recherche menées. La recherche de l’IRSS a contribué à documenter ces aspects sur la maladie elle-même et les malades, les symptômes, la transmission, mais aussi sur l’impact que ceux-ci ont eu sur les soins de santé et la santé des personnes atteintes d’autres maladies. Une première étude s’est intéressée aux patient·e·s âgé·e·s hospitalisé·e·s avec la COVID-19 dans un service de gériatrie. Celle-ci a permis de faire un état de la présentation clinique (premiers symptômes) des 50 premier·ère·s patient·e·s âgé·e·s de 75 ans et plus et infecté·e·s par le SARSCoV-2 hospitalisé·e·s en gériatrie aux Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles entre le 11 mars 2020 et le 17 avril 2020, et de décrire la mortalité intra-hospitalière chez ces patient·e·s à haut risque de décès. Une deuxième étude s’est intéressée aux personnes de la population générale suivies dans un centre de soins primaires. Cette étude a permis de suivre pendant 10 semaines, entre mars et mai 2020, plus de 350 personnes suivies au sein de 12 centres de soins primaires en Belgique. Les buts principaux de cette étude étaient de relever les symptômes précoces de la COVID19, le pronostic des personnes qui avaient la COVID-19 et sa transmission au sein de la famille en testant et suivant également les membres de la famille d’une personne testée positive au COVID-19. Une troisième étude s’est intéressée spécifiquement aux personnes âgées vivant dans les maisons de repos (MR) et les maisons de repos et de soins (MRS). Les buts de cette étude étaient de mesurer l’impact du confinement sur ces personnes et sur leur santé physique et mentale, de mesurer l’impact sur les MR-MRS de la gestion de la crise lors de la première vague et leurs besoins, mais également de connaitre le souhait des personnes âgées vivant dans les MR-MRS quant à cette gestion et les décisions qui les ont Thème 2


28 fortement impactées, en particulier l’isolement. Une dernière étude, l’enquête US3R, a permis de s’intéresser à l’utilisation des soins de santé par la population générale pendant la première vague de la crise sanitaire. Cette étude visait plus spécifiquement à évaluer l’ampleur du report, du renoncement ou du recours aux autres soins médicaux que ceux liées à la COVID-19 pendant le premier confinement en Belgique.

Thème 2


Etude 7 Présentation clinique et taux de mortalité intra-hospitalière des premier·ère·s patient·e·s âgé·e·s infecté·e·s par le SARS-CoV-2 hospitalisé·e·s en gériatrie aux Cliniques universitaires Saint-Luc Reporté.jpg

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Auteurs et affiliations Benoit Boland (IRSS, UCLouvain et service de Gériatrie, Cliniques universitaires Saint-Luc) Cédric Mahiat (service de Gériatrie, Cliniques universitaires Saint-Luc) Séverine Henrard (IRSS et LDRI/CLIP, UCLouvain)

Résumé de la recherche Cette étude descriptive avait pour but de préciser la présentation clinique (symptômes et signes cliniques) et le taux de mortalité intra-hospitalière des patient·e·s âgé·e·s admis·es en unité de gériatrie pour COVID-19 au début de la première vague de la pandémie. Bien que la majorité des décès intra-hospitaliers liés à l’infection par la COVID-19 survient chez des patient·e·s âgé·e·s de plus de 75 ans, cette population à haut risque a été peu étudiée durant la première vague de la pandémie. Dans le cadre de cette recherche, une étude de cohorte rétrospective avec suivi complet des 50 premier·ère·s patient·e·s atteint·e·s de la COVID-19 consécutivement admis·es dans le service de gériatrie des cliniques universitaires Saint-Luc au printemps 2020 (entre le 11 mars 2020 et le 17 avril 2020) jusqu’à leur sortie de l’hôpital a été réalisée. Les patient·e·s suivante·s ont été inclus : âge ≥ 75 ans, vulnérabilité/fragilité selon la Clinical Frailty Scale [1], infection par la COVID-19 confirmée par polymerase chain reaction (RT-PCR), et bilan complet (symptômes, signes cliniques, tests de laboratoire, imagerie Thème 2 / Étude 7


30 pulmonaire) disponible lors du diagnostic de la COVID-19. Les résultats principaux étaient les suivants : ces 50 patient·e·s (âge médian de 88 ans, 54 % d›hommes, 46 % vivant dans une maison de repos et de soins) présentaient avant l’infection par la COVID-19, divers niveaux de fragilité clinique selon la Clinical Frailty Scale : une vulnérabilité (16 %) ou une fragilité (84%) (légère 12 %, modérée 20 %, sévère 40 %, très sévère 12 %), aucun·e patient·e n’étant en phase terminale. Les syndromes gériatriques préexistants les plus courants étaient les troubles cognitifs (54 %), les chutes à répétition (44 %), la dénutrition (40 %) et la polymédication majeure (≥ 10 médicaments par jour : 36 %). Les comorbidités principales comprenaient une hypertension artérielle (60 %), une insuffisance rénale chronique (54 %), la présence d’une maladie respiratoire chronique (28 %), un diabète (24 %) ou encore un cancer actif (16 %). Les principaux symptômes lors du diagnostic de la COVID-19 étaient respiratoires (72%), généraux (64%), fébriles (60%), évocateur d’un delirium (34%) ou encore digestifs (30%). Chez 36 % des patient·e·s, cependant, le premier symptôme de la COVID -19 était atypique (asthénie ou altération de l’état général (6 patient·e·s), chute (5 patient·e·s), diarrhée (3 patient·e·s), agitation (2 patient·e·s), apathie (1 patient·e), dysarthrie (1 patient·e)), en l’absence de fièvre ou de symptôme respiratoire. Le délai médian entre le premier symptôme de la COVID -19 et le diagnostic a été de 2 jours [écart interquartile : 1 à 5 jours]. Sur les radiographies pulmonaires (faites chez 47 patient·e·s) et les scanners thoraciques (faits chez 35 patient·e·s), 40% des patient·e·s avaient lors du diagnostic des infiltrats pulmonaires marqués, alors que la gravité de la COVID -19 au moment du diagnostic était légère (28%) ou sévère (72%) [2]. Vingt-six patient·e·s sont décédé·e·s durant leur séjour à l’hôpital alors que 24 sont sorti·e·s vivant·e, indiquant un taux de mortalité intra-hospitalière de 52%. Les patient·e·s décédé·e·s étaient significativement plus âgé·e·s (âge médian de 90 ans vs. 87 ans ; p=0,005) et présentaient au moment du diagnostic de la COVID-19 une apathie ou des symptômes de delirium plus fréquents (50,0% vs. 16,7 % ; p=0,013), une valeur de lactate déshydrogénase (LDH) sérique plus élevée Thème 2 / Étude 7


31 (médiane de 380 UI/L vs. 288 UI/L ; p=0,006) et une prévalence plus élevée d’infiltrats pulmonaires marqués (57,7 % vs. 20,8 % ; p=0,008). En conclusion, chez ces patient·e·s à profil gériatrique hospitalisé·e·s avec la COVID-19 durant la première vague de la pandémie, le symptôme initial était souvent trompeur. La mortalité intra-hospitalière a été également fort élevée. Enfin, les facteurs pronostiques de cette mortalité intra-hospitalière restent à préciser sur un nombre de personnes plus élevé, en particulier l’effet de la fragilité clinique préalable.

Références 1 Rockwood K, Song X, MacKnight C, Bergman H, Hogan DB, McDowell I, et al. A global clinical measure of fitness and frailty in elderly people. CMAJ 2005; 173:489-95. 2 The Novel Coronavirus Pneumonia Emergency Response Epidemiology Team. Epidemiological Characteristics of an Outbreak of 2019 Novel Coronavirus Diseases (COVID-19) — China, 2020. China CDC Weekly 2020; 2:113-22. Pour en savoir plus → Mahiat C, Henrard S, Gilard I, Lanthier N, Starkel P, De Brauwer I, Cornette P, Boland B. COVID-19 : présentation clinique et mortalité des 50 premiers patients gériatriques hospitalisés aux Cliniques universitaires Saint-Luc au printemps 2020. Louvain Médical 2020;139:503-11.

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Thème 2 / Étude 7


Etude 8 Étude sur les symptômes précoces de la COVID-19 et sa transmission au sein d’une famille

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Auteurs et affiliations Jean-Marie Degryse (IRSS, UCLouvain) avec le réseau de pratiques de recherche COVID-19 (Caroline Bily, Bruno Verstraete, Delphin Ferrant, Geert Goderis, Vincent Janssens, Tine Dusuachoit, Aurore Torsin, Hanne Vanbeylen, Sven Aertgeerts, Patrick van Krunkelsven, Sabrine Amri, Nicolas Delvaux, Birgitte Schoenmaker, Floris De Knijf, Annelies Van Raemdonck, Bert Vaes, Saksia Van Damme, Kristof Mommaerts, Geert Van Boxem, Niek Vervaeck, Hanne Cloetens)

Résumé de la recherche Cette étude sur les symptômes précoces et la transmission au sein de la famille visait à (1) rassembler des données cohérentes collectées dans des unités de soins de santé primaires auprès d’une population non sélectionnée afin d’améliorer les connaissances sur les différents phénotypes de la maladie, (2) cartographier l’évolution du statut du porteur ou de la porteuse de la COVID-19 vers la maladie et (3) encourager le développement de nouvelles règles de prédiction des conséquences de la COVID-19. En Belgique, le 25 mars, 4,500 cas confirmés de COVID-19 ont été dénombrés [1]. Lors de la première vague, les connaissances sur la COVID-19 étaient limitées, mais il était connu que cette maladie, hautement contagieuse, se transmettait de l’homme à l’homme par un contact direct ou l’inhalation de gouttelettes respiratoires et que les porteurs et porteuses du virus présentant des symptômes légers ou asymptomatiques pouvaient probablement transmettre le virus. Toutefois, les connaissances sur la période d’incubation de la COVID-19 étaient limitées, et les premières informations sur celles-ci mentionnaient qu’elle était en moyenne d’environ 5 jours [2]. Thème 2 / Étude 8


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Thème 2 / Étude 8

Par ailleurs, les symptômes précoces de la COVID-19 (fièvre, myalgie et fatigue) pouvaient être confondus avec les symptômes de la grippe saisonnière ou une infection des voies respiratoires aiguë, rendant difficile le diagnostic clinique précoce de cette maladie. Le rôle des porteurs et porteuses asymptomatiques dans la transmission des infections n’était pas entièrement compris, et peu de données étaient disponibles sur la relation entre l’apparition et la nature des symptômes précoces et le statut de porteur ou porteuse de la maladie. Les environnements clos comme les ménages ont une population définie et pouvaient, par conséquent, offrir un cadre stratégique pour caractériser la dynamique de la transmission et étudier le spectre clinique de la COVID-19. Le suivi des contacts du ménage est en effet plus facile que le traçage des contacts dans une population non définie. Par ailleurs, des infections survenant dans les contacts du ménage peuvent représenter le spectre clinique complet, contrairement aux cas observés dans les services médicaux. Des études préliminaires, effectuées dans une population sélectionnée suspecte d’avoir la COVID-19 suggéraient que les tests RT-PCR présentaient une sensibilité limitée alors que le CT scan du thorax pouvait révéler des anomalies pulmonaires cohérentes avec la COVID-19 chez des patient·e·s présentant des résultats RT-PCR initiaux négatifs [3 ; 4]. C’est pourquoi un suivi rigoureux des patient·e·s ayant eu un test PCR négatif mais présentant des symptômes de la maladie est obligatoire dans toute étude relevant du domaine des soins de santé primaires. Une détection et un diagnostic précoces efficaces des patient·e·s suspecté·e·s d’avoir la COVID-19 et une évaluation du pronostic des patient·e·s confirmé·e·s de COVID-19 sont nécessaires pour atténuer la charge pesant sur le système de soins de santé et pour fournir les meilleurs soins possibles aux patient·e·s. De nombreux rapports suggéraient que les patient·e·s plus âgé·e·s atteint·e·s de comorbidités chroniques et infecté·e·s par le virus étaient plus vulnérables à une morbidité et mortalité élevées de la maladie. Une revue systématique a révélé que la plupart des algorithmes de diagnostic et des index diagnostiques proposés à ce jour étaient mal documentés, avaient été développés dans des environnements hospitaliers et présentaient donc des risques élevés


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Thème 2 / Étude 8

de biais [5]. Pour construire un modèle solide de prédiction, il était nécessaire d’échanger des données bien documentées sur des patient·e·s individuel·le·s. Cette recherche était une étude diagnostique et de cohorte prospective qui a été réalisée dans un réseau de 12 centres de soins primaires répartis dans le pays au cours de la première vague de l’épidémie (mars – mai 2020). Au cours de 10 semaines consécutives, tou·te·s les patient·e·s, même celles et ceux atteint·e·s de symptômes suggestifs mal définis ou très légers, ont été testé·e·s par PCR et examiné·e·s au moyen d’un protocole standardisé. Tous les tests PCR ont été réalisés dans le même laboratoire de recherche. Chaque participant·e a rempli un journal des symptômes et a été étroitement suivi·e pendant deux semaines ou jusqu’à ce que son test PCR hebdomadaire soit négatif. Tous et toutes ont été testé·e·s pour détecter la présence d’anticorps IgG spécifiques à la COVID-19 à l’inclusion et après 2 semaines. Les antécédents médicaux et les comorbidités ont été collectés. Pour chaque patient·e testé·e positif·ve à l’inclusion, tou·te·s les membres du « ménage » présentant ou non des symptômes ont été invité·e·s, testé·e·s et suivi·e·s au moyen du même protocole. Les analyses des données de cette étude sont actuellement toujours en cours. Pendant la période d’observation de dix semaines, 364 patient·e·s ont été inclu·e·s, dont 8 % avaient présenté au moins une fois un test PCR positif. Des anticorps ont été détectés chez 68 % des patient·e·s dont le test PCR était positif dans les deux semaines suivant le diagnostic. De manière surprenante, des anticorps IgG spécifiques ont été trouvés chez 18 patient·e·s qui n’avaient jamais présenté de test PCR positif (malgré trois tests PCR). Le ratio entre les patient·e·s présentant des tests positifs et les patient·e·s présentant des tests négatifs est passé de 17 % lors de la semaine une à 3,1 % lors la semaine dix. Quatre-vingts pour cent des membres du foyer du patient zéro ont présenté un test PCR positif et/ou ont développé des anticorps IgG. La valeur prédictive positive des signes cliniques et des symptômes était basse. Les troubles olfactifs semblaient être le seul symptôme présentant une spécificité élevée alors que 12 % des patient·e·s qui ont eu un test positif étaient asymptomatiques.


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En conclusion, dans les services de soins primaires, les patient·e·s présentant des symptômes légers ou modérés de COVID-19 sont difficiles à distinguer des patient·e·s atteint·e·s d’autres maladies comme le rhume et/ou des infections communes des voies respiratoires. Des tests de dépistage à grande échelle doivent être réalisés pour identifier les personnes infectées et pour organiser des mesures de quarantaine. Une propagation de l’infection dans les ménages est très fréquente.

Références 1 View Epidemio PDF 2 Lauer SA, Grantz KH, Bi Q, Forrest KJ, Zheng Q, Meredith HR et al. The incubation period of Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) from publicly reported confirmed cases : Estimation and Application. Annals of Internal Medicine. 2020; 172:577-82. 3 Ai T, Yang Z, Hou H, Zhan C, Chen C, Lv W et al. Correlation of chest CT and RT-PCR testing in Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) in China : A report of 1014 Cases. Radiology. 2020;296:E32-40. 4 Huang, Liu T, Huang L, Liu H, Lei M, Xy M et al. Use of chest CT in combination with negative RT-PCR assay for the 2019 Novel Coronavirus but high clinical suspicion. Radiology 2020; 295:22-3. 5 Wynants L, Van Calster B, Collins GS, Riley RD, Heinze G, Schuit E et al. Prediction models for diagnosis and prognosis of COVID-19 infection : systematic review and critical appraisal. The British Medical Journal. 2020; 369:m1328.

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36 Etude 9 Organisation d’un débat multidisciplinaire concernant l’impact de la COVID-19 sur les résident·e·s confiné·e·s en MR-MRS en région bruxelloise Auteurs et affiliations Thérèse Van Durme (IRSS, UCLouvain et Be.Hive)

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Résumé de la recherche La crise, ainsi que le confinement qui s’en est suivi, a particulièrement touché les résident·e·s des maisons de repos pour personnes âgées (MRPA) et les maisons de repos et de soins (MRS) [1,2]. Afin de pouvoir gérer la crise après le choc initial de la pandémie, le cabinet du Ministre chargé de la santé en Région Bruxelloise nous a demandé de réaliser une analyse de la perception des stakeholders, via un débat multidisciplinaire autour des questions suivantes : 1 Dans quelle mesure le confinement des personnes âgées en MR-MRS a-t-il des effets pervers sur leur santé (au sens large) ? Quels sont ces effets pervers et n’y a-t-il pas lieu de les mettre en balance avec une gestion purement épidémiologique ? 2 Que désirent les personnes âgées en MR-MRS ? Comment en tenir compte au mieux, dans le respect de la dignité des personnes, compte tenu des enjeux sanitaires de la pandémie ? Pour remplir ces objectifs, une étude Delphi modifiée a été réalisée. Une vingtaine de co-auteurs, tous et toutes parties prenantes en tant que soignant·e·s, gestionnaires de MRS/ MR, gestionnaires de réseaux, ou représentant·e·s d’associations de résident·e·s ou d’aidant·e·s ont participé. Au total, 42 personnes ont participé à l’étude Delphi. Il ressort de l’analyse qu’il existe un besoin immédiat et urgent de repenser et d’adapter le fonctionnement de ces établissements face à l’épidémie. Il s’agit notamment : (a) d’y prioriser les


37 dépistages, (b) de bien équiper les soignant·e·s et d’organiser des unités spéciales pour les malades de la COVID-19, avant même l’apparition de premiers cas et (c) d’élaborer des plans de prévention à l’attention des centres de soins résidentiels, pour contrôler les infections et isoler immédiatement les personnes infectées. Les mesures de prévention et de contrôle des infections seront assorties des éléments suivants : (a) des directives écrites claires, mises à jour en fonction des meilleures données disponibles, concernant les gestes barrières et l’utilisation de matériel de protection, (b) la mise à disposition de matériel de protection, de désinfection et d’élimination adéquat en quantité suffisante et (c) d’un·e professionnel·le pouvant superviser ces mesures et éduquer les membres des familles en conséquence. En conclusion, l’impact de la pandémie de COVID-19 dépasse la santé physique, en particulier pour les résident·e·s dans les maisons de repos. Le confinement impacte durement la santé mentale des résident·e·s et leurs familles et pose de sérieux risques en matière de bris de continuité des soins. Ceci est particulièrement le cas pour les résident·e·s atteint·e·s de troubles cognitifs. Ces personnes étant particulièrement sensibles au toucher, l’absence de contact physique avec leurs proches est particulièrement mal vécue. En outre, il est urgent de repenser la formation des futur·e·s professionnel·le·s. Alors que la population de personnes âgées de plus de 65 ans forme la majorité de la patientèle pour la quasi-totalité des professionnel·le·s, la partie de la formation de base qui leur est consacrée avoisinerait les 10%. Le rapport recense des pratiques originales pour favoriser le lien avec les familles, malgré le confinement.

Références 1 Ladhani SN, Chow JY, Janarthanan R, Fok J, CrawleyBoevey E, Vusirikala A, Fernandez E et al. Increased risk of SARS-CoV-2 infection in staff working across different care homes : enhanced COVID-19 outbreak investigations in London care Homes. Journal of Infection. 2020;81(4):621-4. 2 Sciensano (2020), Surveillance en Maisons de Repos et Maisons de Repos et de Soins, Rapport de la semaine 47, consulté le 23/11/2020.

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Etude 10 Utilisation de soins pendant la crise COVID-19 : recours, report et renoncement, l’enquête US3R

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Auteurs et affiliations Sandy Tubeuf (IRSS-IRES, UCLouvain) Dominique Vanpee (IRSS, UCLouvain) Jeroen Luyten (KULeuven) Dans la presse rtbf.be, 5/06/2020 Coronavirus : selon une étude de l’UCLouvain, une personne sur deux renonce à se soigner Le Soir, 1/04/21 Coronavirus : les dégâts collatéraux du renoncement aux soins de santé Résumé de la recherche Cette recherche évalue l’ampleur du report, du renoncement ou du recours aux autres soins médicaux que ceux liés aux symptômes de la COVID-19 durant la période de confinement de la première vague en Belgique. A partir d’une enquête en ligne, elle évalue les besoins de soins médicaux non satisfaits durant la pandémie et identifie les raisons qui expliquent le report ou le renoncement à différents types de soins médicaux, selon le sexe et les caractéristiques socioéconomiques et de santé individuelles. À l’avant-garde de la pandémie de la COVID-19, le secteur de la santé a dû faire face à une crise sanitaire sans précédent. À compter du mois de mars 2020, les systèmes de soins ont dû s’adapter rapidement, libérer de l’espace dans les établissements de santé et reporter les soins non urgents pour garantir une capacité hospitalière suffisante afin de traiter les patient·e·s atteint·e·s de la COVID-19. En parallèle, les mesures de confinement imposées par les gouvernements, l’incertitude et la peur liée à la pandémie, ont poussé les individus à réduire leur risque de contracter le virus ou de le transmettre à d’autres, en adaptant leurs décisions de Thème 2 / Étude 10


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recours aux soins et en limitant leur consommation de soins de santé. Ainsi, la pandémie a inévitablement conduit à une diminution simultanée de l’offre de soins et de la demande de soins en Belgique [1] et ailleurs [2 ; 3]. Pour cette recherche, l’enquête US3R a été menée durant la première vague de la COVID-19 entre le 4 mai et le 30 juin 2020 auprès des personnes âgées de 18 ans et plus, vivant en Wallonie, à Bruxelles et en Flandre. Cette enquête permet de dresser un premier état des lieux de l’ampleur du renoncement aux soins durant le confinement, du type de soins auxquels les belges ont renoncé, et des raisons qui expliquent ces renoncements à partir d’analyse de statistiques descriptives. A partir de modèles de régression, nous avons étudié comment ce renoncement à des soins médicaux a affecté inégalement les personnes ayant une santé plus fortement détériorée et socialement défavorisées en Belgique. Au total, un échantillon de 3,164 personnes a participé à l’enquête. Le profil de répondant·e·s à l’enquête US3R est socialement plus avantagé que la population générale ; il s’agit majoritairement de femmes actives, très éduquées, plutôt en bonne santé avant le confinement. Cela étant, l’enquête fait état de certains faits saillants dans cette sous-population favorisée : un fort renoncement à des soins spécialistes et des examens médicaux; des inégalités dans le renoncement aux différents types de soins au détriment des plus malades et dans le renoncement aux soins dentaires au détriment des plus pauvres; une détérioration de l’état de santé chez une personne sur 5, et une part non négligeable de la population rapportant ne pas envisager d’aller se soigner en personne lors d’un futur besoin de soins au déconfinement de printemps. Ainsi, la non-représentativité de cette enquête tend à suggérer que ces résultats seraient une borne inférieure de l’ampleur du renoncement aux soins dans la population belge et des conséquences futures sur la santé de la population. Les conséquences de soins médicaux non satisfaits sont susceptibles d’être encore plus importantes dans des sous-groupes de la population moins socialement favorisés, vivant dans des contextes plus précaires. En conclusion, alors que le concept d’équité fait référence à l’idée que des personnes ayant des besoins égaux reçoivent un traitement égal et un accès aux soins égal, la crise a


40 conduit à donner la priorité aux patiente·e·s atteint·e·s de la COVID-19 et a généré des barrières dans l’accès aux soins de santé pour les patient·e·s non-COVID-19 malgré leurs besoins de santé identifiés. Ces obstacles à l’accès aux soins de santé mettent en évidence la difficulté du système de santé à être suffisamment résilient pour absorber le choc d’une pandémie. Dans le meilleur des cas, les soins de santé essentiels auront été reportés à plus tard. Cependant, on peut envisager que dans de nombreux cas, les personnes auront complètement renoncé à des soins médicaux et ne combleront pas des besoins de santé insatisfaits. Il sera donc important que les décideurs politiques envisagent des plans nationaux de santé publique de grande ampleur qui « ramènent » les patient·e·s vers les soins. Il s’agira non seulement d’encourager les patient·e·s dont le suivi s’est interrompu à reprendre leur traitement et à évaluer la détérioration de leur état de santé mais aussi d’encourager tou·te·s les patient·e·s qui ont manqué une opportunité de dépistage de ne pas perdre plus de temps dans l’identification potentielle de problèmes de santé sévères. Renforcer les capacités de dépistage est essentiel pour limiter les pertes de chances en termes de qualité de vie et de survie.

Références 1 Tubeuf S. « Toutes les vies ont de la valeur, il y a urgence à remettre tous les soins en route ! » Le Soir, Carte Blanche, 10/04/2020 2 Chatterji P and Li Y. Effects of the COVID-19 Pandemic on Outpatient Providers in the US. 2020. National Bureau of Economic Research (NBER) Virtuel.jpg Working Paper Series (No. 27173) 3 Ziedan E, Simon KI, Wing C. Effects of State COVID19 Closure Policy on NON-COVID-19 Health Care Utilization. 2020. National Bureau of Economic Research (NBER) Working Paper Series (No. 27621) Pour en savoir plus → Bertier M, Luyten J., Tubeuf S. Renoncement aux soins médicaux et confinement : les enseignements d’une enquête en ligne. Regards Economiques, numéro 162.

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3 COVID et travail professionnel

Thème 3

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43 La pandémie de la COVID-19 a créé une situation incertaine sur le plan sanitaire, social, économique et politique. Dans différents domaines d’activité, le travail professionnel s’est transformé rapidement. Dans certains cas, cette transformation reflétait une augmentation de la charge de travail due à la pandémie. Dans d’autres cas, elle résultait de l’adoption de nouvelles méthodes ou pratiques de travail, rendues nécessaires pour faire face à la pandémie tout en respectant les mesures de confinement et de distanciation sociale. La recherche menée à l’IRSS a contribué à interroger et renseigner cette transformation soudaine et rapide du travail professionnel et des structures de soins, afin de comprendre ses conséquences aux niveaux des personnes mais aussi des organisations. Ainsi, une première étude a questionné l’impact de la pandémie de la COVID-19 sur le risque d’épuisement professionnel du personnel infirmier en Belgique. Elle a montré que 71% des infirmiers et infirmières belges courrait un risque d’épuisement professionnel au pic de la pandémie. Une seconde étude a montré que le risque d’anxiété auquel sont confronté·e·s les assistant·e·s en médecine générale s’est aggravé suite à l’augmentation de la charge de travail due à la première vague de la pandémie. Deux autres études se sont plutôt intéressées à la réponse apportée à la pandémie par des structures wallonnes : les structures d’hébergement collectif dans les secteurs de la santé et de l’action sociale d’une part, et la plateforme de première ligne wallonne d’autre part. Enfin, une dernière étude s’est concentrée sur la généralisation des réunions virtuelles dans les soins de santé et les universités belges. Les résultats de ces études constituent autant de pistes de réflexion, dans et au-delà du contexte spécifique de la pandémie. Ces pistes intéresseront les professionnel·le·s exerçant dans les domaines concernés, ainsi que les décideurs politiques et les responsables de services et d’institutions. L’un des projets a d’ailleurs été commandité par le cabinet de la Ministre Christie Morreale et l’AViQ. Par exemple, l’étude sur l’impact de la pandémie sur le personnel infirmier invite à augmenter les interventions de prévention et de réduction de la détresse psychologique professionnelle. De plus, en identifiant des profils particulièrement à risque d’épuisement professionnel, elle a permis d’établir Thème 3


44 des priorités pour les interventions. En ce qui concerne les assistant·e·s en médecine générale, la seconde étude a montré que l’augmentation des consultations téléphoniques était un facteur de risque important. Dans le même temps, elle a révélé que le soutien apporté par le·la maître·sse de stage et le caractère valorisant ou soutenant de l’environnement de travail étaient des facteurs susceptibles de protéger de l’anxiété. L’étude sur les structures d’hébergement a mis en évidence la nécessité de mettre en œuvre des actions pour appuyer la coordination entre structures et professionnel·le·s afin de mieux cibler l’offre d’accompagnement individuel et de la population, dans une logique de parcours de vie en santé. Enfin, l’étude sur la généralisation des réunions virtuelles a montré dans quelles conditions et par rapport à quels objectifs celles-ci se révélaient efficaces. De plus, elle a permis de mettre en évidence la création ou le renforcement d’inégalités socio-économiques et liées au genre, qui devraient être prises en compte dans la perspective d’une réflexion sur le maintien des réunions virtuelles ou d’une partie de celles-ci.

Thème 3


Étude 11 Impact de la pandémie de COVID-19 sur le risque d’épuisement professionnel du personnel infirmier en Belgique

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Auteurs et affiliations Pierre Smith (IRSS, UCLouvain) Arnaud Bruyneel (Unité de soins intensifs, Centre Hospitalier Universitaire Tivoli/SIZ Nursing, Université Libre de Bruxelles) Résumé de la recherche Les objectifs de cette étude sont d’estimer la prévalence du risque d’épuisement professionnel du personnel infirmier en Belgique francophone au pic de la pandémie de COVID-19, et d’identifier des groupes à risque. En Belgique, le plan d’urgence hospitalier a été lancé le 13 mars 2020 et le premier pic épidémique a eu lieu en avril avec entre 400 et 500 nouvelles hospitalisations par jour [1]. Dans ce contexte, le personnel infirmier de première ligne a été confronté à une charge de travail croissante et à des événements stressants susceptibles d’augmenter leur risque d’épuisement professionnel [2]. Les données ont été collectées entre le 21 avril et le 04 mai 2020 au moyen d’un questionnaire en ligne. Le questionnaire a été diffusé auprès du personnel infirmier via les associations professionnelles, les institutions de soins et les réseaux sociaux. Au total, 4,552 infirmier·ère·s ont répondu au questionnaire. Le risque d’épuisement professionnel a été évalué à l’aide d’une échelle validée qui capture trois dimensions de l’épuisement professionnel : l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et la perte d’accomplissement personnel. Au premier pic de l’épidémie de COVID-19 en Belgique, 71% des infirmier·ère·s qui ont participé à l’étude étaient à risque d’épuisement professionnel. Dans les différentes dimensions de l’épuisement professionnel, 57% des

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répondant·e·s étaient à risque élevé d’épuisement émotionnel, 46% à risque élevé de dépersonnalisation et 45% à risque élevé de perte d’accomplissement personnel. De plus, certains profils étaient plus à risque d’épuisement professionnel. C’est la cas des infirmier·ère·s ayant moins d’années d’ancienneté dans le secteur des soins de santé ; mais aussi de celles et ceux qui travaillent dans un service médical ou chirurgical à l’hôpital, dans des maisons de repos et de soins, dans les unités COVID-19 à l’hôpital, en service d’urgence hospitalier et en unité de soins intensifs. Enfin, l’étude a permis d’identifier d’autres facteurs significatifs d’épuisement professionnel dont l’augmentation perçue de la charge de travail pendant la pandémie de COVID-19, le manque d’équipement de protection adéquat, et le nombre de patients porteurs de la COVID-19 dans le service. Ces résultats semblent indiquer que la crise sanitaire a ajouté un fardeau sur le personnel infirmier et leur risque d’épuisement professionnel. Lors des précédentes épidémies comme celle liée au syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), des interventions ont été identifiées pour atténuer la détresse psychologique des professionnel·le·s de la santé qui devraient être applicables à l’épidémie de COVID-19 [3]. Des interventions de ce type devraient être encouragées, tout en prenant en compte les professionnel·le·s particulièrement à risque.

Références 1 Sciensano. (2020). COVID-19 Belgium – Daily report. Sciensano. 2 Guixia L and Zhang H. A study on burnout of nurses in the period of COVID-19. Psychology and Behavioral Sciences. 2020;9(3):31-6. 3 Kisely S, Warren N, McMahon L, Dalais C, Henry I, Siskind D. Occurrence, prevention, and management of the psychological effects of emerging virus outbreaks on healthcare workers : rapid review and meta-analysis. The British Medical Journal. 2020;369:m1642.

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Étude 12 Facteurs de risques et protecteurs de l’anxiété des assistant·e·s de médecine générale au début de la crise sanitaire du COVID-19

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Auteurs et affiliations Brice Lepièce (CHU-UCL-Namur & IRSS, UCLouvain) Anne-Laure Lenoir (Université de Liège (DUMG)Ségolène de Rouffignac (IRSS/CAMG, UCLouvain) Résumé de la recherche Les assistant·e·s de médecine générale (AMG) sont engagé·e·s dans une pratique médicale professionnelle et, en même temps, poursuivent une formation universitaire en vue de la spécialisation en médecine générale. Préalablement à la pandémie actuelle, la littérature avait déjà mis en évidence un stress significatif parmi ce public de jeunes médecins. La pandémie de la COVID-19 a potentiellement aggravé cette situation. Or, l’anxiété menace le développement personnel et professionnel et de ce fait, la qualité des soins prodigués à la population par les AMG. Dès lors, notre étude avait pour objectif d’évaluer quelles caractéristiques de l’assistant·e en médecine générale (AMG) ou de son environnement de travail renforcent ou au contraire réduisent le risque d’anxiété, dans la cadre de la crise sanitaire. La récolte de données s’est déroulée du 01 au 31 juillet 2020. Les assistant·e·s de médecine générale de l’UCLouvain et de l’ULiège ont été invité·e·s à participer à une enquête quantitative en ligne intitulée « L’impact de la crise sanitaire COVID-19 sur la pratique de l’assistant en médecine générale ». Le niveau d’anxiété des 188 répondant.e.s a été appréhendé en référence à l’échelle GAD-7 [1 ;2]. Thème 3 / Étude 12


48 Les résultats montrent que 36,2 % d’entre eux·elles présentait un niveau d’anxiété significatif. Les facteurs qui contribuent à augmenter le risque d’anxiété sont la détresse psychologique de l’AMG avant le confinement, c’est-à-dire avant mi-mars 2020 ; l’inquiétude d’être personnellement affecté par la COVID-19 ; et la charge de travail pendant le confinement, entre mi-mars et mi-mai 2020. A cet égard, l’augmentation des consultations téléphoniques joue un rôle important. En effet, les AMG ayant eu plus de 15 consultations téléphoniques journalières ont 2,7 fois plus de risque d’être anxieux que ceux qui en ont eu moins. Par contre, le risque d’anxiété n’est pas significativement influencé par les variables du genre, de l’année d’assistanat, du type de pratique et de financement, ou de la région de pratique. Enfin, l’étude a permis de montrer que le maintien d’une qualité de vie durant le confinement réduit le risque d’anxiété. De plus, ce risque est significativement réduit par la perception du soutien du maître·sse de stage d’une part, et par la perception d’un soutien et d’une valorisation par l’environnement de travail d’autre part.

Références 1 Essadek A, Rabeyron T. Mental health of French students during the COVID-19 pandemic. Journal of affective disorders. 2020; 277:392-3. 2 Spitzer RL, Kroenke K, Williams JB, Löwe B. A brief measure for assessing generalized anxiety disorder : the GAD-7. Archives of Internal Medicine. 2006; 166(10):1092-7.

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Thème 3 / Étude 12


Étude 13 Résilience de la première ligne en Région Wallonne

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Auteurs et affiliations Thérèse Van Durme (IRSS, UCLouvain et Be.Hive), Jean-Luc Belche, (ULiège et Be.Hive), Jean Macq (IRSS, UCLouvain et Be.Hive)

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Résumé de la recherche Bien que la première ligne soit considérée comme un maillon essentiel du système de santé, en Belgique francophone, elle semble peu structurée et peu visible. La pandémie actuelle du COVID-19 a un effet de révélateur de la position des acteurs dans le système, mais aussi de catalyseur pour certains mécanismes dont certains renforcent la première ligne et d’autres la déforcent (Blight, 2017). Cette étude qualitative a consisté en entretiens hebdomadaires auprès des professionnels de la première ligne faisant partie de la Plateforme de la Première Ligne Wallonne entre avril et septembre 2020. Une analyse documentaire des écrits publiés par les autorités fédérales et wallonnes, les associations professionnelles a complété l’étude qualitative. Au total, plus de 100 interviews ont été réalisées durant cette période, avec 13 membres de la Plateforme de la Première Ligne Wallonne. Les résultats attendus concernent les forces et faiblesses de la première ligne, révélées au travers de la pandémie, à partir de la perception qu’en ont les professionnels de la première ligne wallonne. Au-delà des forces et faiblesses identifiées, il apparaît que la plateforme de la première ligne wallonne est une plateforme d’échange très intéressante pour partager les bonnes pratiques et les difficultés perçues sur le terrain, dans une logique interdisciplinaire et généraliste. A ce titre, elle a un potentiel important pour continuer l’exercice de cultiver une culture d’apprentissage interdisciplinaire pour la première ligne.

Références Blight, J.G., 2017. Dark Beyond Darkness : The Cuban Missile Crisis as History, Warning, and Catalyst. Rowman & Littlefield. Thème 3 / Étude 13


Étude 14 Analyse d’impact de l’épidémie de COVID-19 sur les structures d’hébergement collectifs en Région wallonne des secteurs de la santé et de l’action sociale et établissement de recommandations

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Auteurs et affiliations Denis Herbaux (Plateforme pour l’Amélioration continue de la Qualité des soins et de la Sécurité des patients – PAQS ASBL, IRSS, UCLouvain), Laurence Thomaes (PAQS ASBL), Ana Luisa Van Innis, (PAQS ASBL), Myriam Jourdain (le Réseau pour l’Amélioration de la Qualité, le RAQ ASBL), Frédéric Bonvoisin (le RAQ ASBL), Alexis Creten (IRSS, UCLouvain), Thérèse Van Durme (IRSS, UCLouvain et Be.Hive)

Résumé de la recherche Cette étude commanditée par le cabinet de la Ministre Christie Morreale et l’AViQ avait plusieurs objectifs : (1) comparer les normes de qualité existantes pour les structures d’hébergement collectifs wallons, accueillant des personnes âgées et en situation de handicap, aux référentiels internationaux ; (2) analyser les pratiques d’interaction de ces structures, avec d’autres acteurs et professionnels de soins de santé, externes aux structures ; (3) identifier et discuter les recommandations de bonnes pratiques permettant au Cabinet wallon et à l’AViQ de définir les actions à court et moyen terme, afin d’aider ces structures à préparer leurs actions pour faire face à la suite de l’épidémie du COVID-19. En s’appuyant sur le Code wallon de l’action sociale et de la santé, le référentiel de qualité pour les structures accueillant des personnes en situation de handicap et les référentiels canadiens, ce projet a analysé les documents publiés durant Thème 3 / Étude 14


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Thème 3 / Étude 14

la crise (février à août 2020), notamment les publications nationales et wallonnes (sites des autorités, associations professionnelles et celles de la Plateforme de la Première Ligne Wallonne PPLW), newsletters et rapports de ces instances durant la crise. Il a aussi étudié des données d’entretiens menés durant la crise avec des membres de la Plateforme de la PPLW, des PV de réunions de la PPLW durant la crise et des données du réseau du RAQ interrogeant les incidents critiques relevés par les directeurs des structures d’hébergement et les responsables de réseaux. Ces différents sources d’information ont été explorées par des analyses thématiques qualitatives, en triangulant les résultats et les recommandations de manière itérative au sein du groupe de chercheurs. Les brouillons des recommandations ont été discutés avec les parties prenantes incluant les Fédérations des secteurs concernés, les inspecteurs des secteurs concernés de l’AVIQ, la PAQS et le RAQ. En comparaison avec les référentiels canadiens, le Code wallon de l’action sociale et de la santé pour les structures d’hébergement est jugé peu lisible. Un référentiel pour la qualité dans les structures d’hébergement pour les personnes en situation de handicap existe, a été co-construit avec les acteurs de terrain et est utilisé dans la démarche d’amélioration de la qualité par les inspecteurs. Les recommandations sont présentées à partir de 9 domaines importants pour la résilience de la structure et du système, face au choc de la crise (WHO Europe, 2020a et 2020b). Ces domaines sont inter-reliés. Le domaine qui ressort comme le plus prioritaire est celui des soins centrés sur les objectifs de vie du résident. Il est donc recommandé que l’accompagnement du résident soit co-construit et mis en œuvre au sein d’une démarche d’amélioration continue. Les résultats de ce plan d’accompagnement sont documentés et incluent ses directives anticipées. Ceci nécessite des conditions de mise en œuvre qui manquent actuellement, notamment - mais pas limitées à - la formation des professionnels, actuellement insuffisante pour pouvoir accompagner une telle démarche. La formation sera d’ailleurs renforcée dans 4 domaines : (a) le leadership participatif et partagé (pour améliorer notamment la collaboration interne et externe), (b) la communication (pour soutenir les résidents, leurs familles et les autres professionnels, voire demander de l’aide), (c) le contrôle et


52 la prévention des infections et (d) l’amélioration de la santé mentale et le bien-être des résidents et de leurs proches. Enfin, le projet souligne que la taille du territoire wallon et l’absence de structure intermédiaire pour coordonner les activités à un niveau qui nécessite une bonne connaissance des ressources et difficultés du terrain, en articulation avec les réseaux hospitaliers, justifie qu’il est urgent de structurer la Wallonie en territoires plus petits. La détermination de la taille de ce territoire, les responsabilités et missions qui lui incombent pour coordonner les activités de santé (au sens large) commenceront par un recensement des ressources (cadastre des professions) et un diagnostic, soutenu par des données factuelles et des outils pour favoriser la circulation de ces données, dans le respect du cadre légal et éthique.

Références World Health Organization. (2020a). The impact of the COVID-19 pandemic on noncommunicable disease resources and services : results of a rapid assessment. Consulté le 23/07/2020 sur le site. World Health Organization. (2020b). Mental health and psychosocial considerations during the COVID-19 outbreak. Consulté le 20/08/2020 sur le site.

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Thème 3 / Étude 14


Étude 15 L’expérience des réunions virtuelles dans les universités et dans le secteur de la santé Reporté.jpg

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Auteurs et affiliations Sophie Thunus (IRSS, UCLouvain), Willem Standaert (HEC-ULiège), Frédéric Schoenaers, (ULiège), Céline Mahieu (ULB)

Dans la presse Trends-Tendances, 16/07/2020 Une étude interuniversitaire belge l’affirme … Réunions virtuelles : plus productives mais pas plus efficaces ! Résumé de la recherche Le confinement décidé face à la COVID-19 a précipité un glissement partiel sinon complet vers le télétravail. Dans de nombreux secteurs, les réunions virtuelles sont désormais au cœur de l’organisation du travail. Comment le personnel des universités belges, francophones et néerlandophones, évalue-t-il ces réunions ? Et permettent-elles d’atteindre les mêmes objectifs que les réunions en face-à-face ? Pour répondre à ces questions, nous avons distribué une enquête dans cinq universités belges : UCLouvain, ULiège, Université libre de Bruxelles, UGhent et UHasselt. Celle-ci a renseigné, qualitativement et quantitativement, l’expérience de 814 répondant·e·s des corps académique, scientifique et administratif. L’enquête révèle un glissement complet des réunions en face-à-face aux réunions virtuelles. Avec le confinement, le nombre moyen de réunions en face-à-face a drastiquement diminué, passant de 4,5 à 1 par semaine, tandis que le nombre moyen de réunions virtuelles a fortement augmenté, passant de 0,5 à 5 par semaine. Selon les répondant·e·s, les réunions virtuelles permettent, de manière générale, de participer à de multiples réunions tout en limitant les déplacements, et en améliorant l’utilisation du temps. Elles favorisent ainsi la protection de Thème 3 / Étude 15


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Thème 3 / Étude 15

l’environnement et, au moins théoriquement, l’articulation entre la vie privée et professionnelle. Plus spécifiquement, les réunions rassemblant 2 à 4 personnes seraient particulièrement efficaces pour atteindre des objectifs définis comme prendre une décision, solutionner un problème, et transmettre ou recevoir des informations. Par contre, les réunions virtuelles seraient moins satisfaisantes du point de vue relationnel. Bien qu’elles permettent d’assurer une continuité du lien social, elles semblent inadéquates pour créer de nouvelles relations. De plus, elles laissent peu de place aux moments informels, importants pour trouver de nouvelles idées et par rapport au sens du travail, dans un contexte incertain. Pour retrouver les bénéfices des moments informels, les répondant·e·s utilisent WhatsApp ou le téléphone, ou organisent des réunions virtuelles ad hoc, sous forme de pause-café par exemple. En outre, le rôle de modération est plus important lors des réunions virtuelles ; surtout parce qu’elles rendent le langage non verbal inaccessible, ce qui entrave la prise de parole. Dans ce cadre, le rôle de modération a des aspects éthiques : il consiste principalement à veiller à une distribution équitable de la parole, afin d’éviter la création de nouvelles inégalités technologiques et le renforcement d’inégalités existantes, notamment liées au genre. Enfin, les réunions virtuelles questionnent la nature du pouvoir dans les organisations. Les fondements symboliques et (inter)personnels du pouvoir, comme la place occupée à la table de réunion et les apartés, semblent perdre leur importance. Par contre, des facteurs technologiques et individuels, comme la qualité de la connexion internet, gagnent en importance : ils influencent notamment la réception des arguments exprimés par une personne par les autres participant·e·s à la réunion. En conclusion, ces observations encouragent une réflexion sur la possible alternance entre les modes de réunions, en face à face et virtuelles, afin de profiter du meilleur des deux mondes. De plus, elles nous invitent à approfondir certains résultats, comme nous l’avons fait pour la question des inégalités de genre.


55 Étude 16 Les réunions virtuelles : témoins des inégalités de genre au sein des universités

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Auteurs et affiliations Sophie Thunus (IRSS, UCLouvain) Willem Standaert (HEC, ULiège) Frédéric Schoenaers, (ULiège) Céline Mahieu (ULB)

Dans la presse La Libre, 18/12/2020 Le confinement a nui aux femmes scientifiques

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Thème 3 / Étude 16

Résumé de la recherche Les réunions sont des microsociétés. Elles reflètent la composition et les modes de fonctionnement des mondes sociaux et organisationnels dans lesquels elles s’intègrent. Or, la proportion de femmes accédant à un poste académique reste inférieure à celle des hommes, et cet écart est d’autant plus marqué que l’on avance dans la carrière. Aussi, lors du confinement dû à la COVID-19, les réunions virtuelles ont exacerbé des modes de participation qui renforcent les inégalités de genre dans le monde académique. L’enquête a permis d’observer que les femmes participaient, avant le confinement, à moins de réunions que les hommes ; et cet écart a augmenté pour les réunions virtuelles organisées lors du confinement. De plus, les femmes ont plus souvent participé aux réunions visant à assurer la continuité du travail, qu’aux réunions stratégiques vouées à prendre des décisions affectant le travail des autres. Cet écart traduit de moindres possibilités d’influencer le fonctionnement de l’université. Ensuite, en l’absence du langage non-verbal, les femmes témoignent de difficultés accrues à prendre la parole (Ford 2009), principal support d’expression en réunion. Enfin, les marques symboliques du pouvoir se modifient dans le contexte virtuel, où la position à la table de réunion cède la main aux ressources domestiques, comme un grand bureau séparé. A cet égard, il semble que


56 la répartition des ressources domestiques entre les hommes et les femmes suive la même logique que les postes académiques. Les réunions virtuelles invitent donc aussi à examiner l’influence de l’organisation du travail à domicile sur la production scientifique des femmes.

Références Ford, C. E. (2009). Women speaking up : Getting and using turns in workplace meetings. Gender and Language, 3, 121–125.

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Thème 3 / étude 16


Conclusion

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Les travaux menés à l’IRSS durant cette année singulière de pandémie se distinguent par leur promptitude. Ils ont été intégrés aux agendas de recherche en cours et la majorité d’entre eux a été réalisée en l’absence de budget extérieur. L’Institut, via ces travaux de recherche menés par les chercheur·e·s, a montré son dynamisme et sa volonté de fournir son expertise à la société, au travers d’une recherche scientifique de qualité et par un effort de vulgarisation de cette recherche dans les médias et auprès des citoyen·ne·s. Nous remercions les personnes qui ont participé ou facilité ces recherches de près ou de loin, et tout particulièrement les participant·e·s aux enquêtes. Nous exprimons aussi toute notre reconnaissance pour le soutien administratif et technique apporté, au sein de l’Institut et en dehors, pour la mise en place, la validation et la dissémination des enquêtes et de leurs résultats. Alors que la pandémie constitue toujours un défi d’actualité pour la santé et la société, notre institut a mis son expertise et son dynamisme au service d’une recherche continue, afin de comprendre la COVID-19 et ses conséquences individuelles et collectives, mais aussi pour ouvrir des voies de gestion de cette crise, pour le présent et pour le futur. Ce rapport a été coordonné par les professeures Séverine Henrard, Sophie Thunus et Sandy Tubeuf avec la participation des chercheur·e·s l’IRSS et l’aide de Regina Below.

Conclusion


58 Avril 2021 Institut de Recherche Santé et Société (IRSS) Faculté de Santé Publique Clos Chapelle-aux-Champs, 30, Boite B1.30.15 B-1200 Bruxelles https://uclouvain·be/fr/instituts-recherche/irss Editors Regina Below Séverine Henrard Sophie Thunus Sandy Tubeuf Graphisme Ine Meganck, Chloé D’Hauwe


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La santé est étroitement liée à la société, qui lui attribue une importance variable et lui donne des significations différentes selon les époques et les endroits du monde. La santé, vue dans ses liens avec la société, est au centre des recherches menées à l’IRSS : un institut de recherche qui rassemble des chercheur·e·s provenant de disciplines différentes et complémentaires, comme la santé publique, l’épidémiologie, la médecine, l’économie de la santé ou la sociologie au sein de l’Université catholique de Louvain. Ce rapport, qui paraît un an après le début de la pandémie de COVID-19 en Belgique, propose un panorama des travaux de recherche réalisés à l’IRSS, répartis en trois thèmes. Le premier thème traduit les expériences de la population générale et fait écho aux effets de la crise et des mesures de gestion et de sortie de crise au niveau de la société. Le second plonge au coeur du système de soins, pour s’intéresser aux expériences et aux manifestions de la crise telles qu’elles ont été vécues au sein de ce système par les patient·e·s atteints de la COVID-19 ou souffrant d’autres problèmes de santé physique ou psychique. La troisième thématique met en lumière les professionnels, leurs expériences du contexte de crise sanitaire et de nouvelles pratiques et méthodes de travail qui ont été déployées, rapidement et sans préparation, dans ce contexte. Alors que la pandémie constitue toujours un défi d’actualité pour la santé et la société, l’IRSS a mis son expertise et son dynamisme au service d’une recherche continue, afin de comprendre la COVID-19 et ses conséquences individuelles et collectives, mais aussi pour ouvrir des voies de gestion de cette crise, pour le présent et pour le futur.


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