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Le néré, un arbre du patrimoine de la Haute Guinée

Nere tree, a cultural heritage of Upper Guinea
Mabetty Touré

Résumés

Le néré (Parkia biglobosa), arbre fruitier de la savane guinéenne en général et de la Haute Guinée en particulier, jouit dans cette zone d’une grande notoriété du fait de son importance dans l’alimentation et la médecine traditionnelle, avec un caractère patrimonial prononcé. A partir de l’arbre à néré considéré comme un objet du patrimoine, cet article se propose de montrer que les femmes ont acquis au fil des générations un savoir-faire qui était un gage du caractère patrimonial de ce produit. Cependant, la monétarisation progressive de l’économie avec en corollaire le renchérissement de la valeur du néré sur le marché a attisé la convoitise des hommes qui s’investissent de plus en plus dans la filière jusqu’à la contrôler à terme. A cet effet, le développement d’une filière marchande et l’apparition de nouveaux acteurs dans un contexte d’inégalité de genre sont abordés comme une menace pour la patrimonialité de l’arbre.

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Texte intégral

Introduction

1En 1980, Paul Pélissier affirmait que les principales espèces d’arbres associés aux champs apparaissent comme étant révélatrices « de la stratégie que chaque société conduit à l’égard du milieu où elle est insérée » (Pélissier, 1980, p. 131). Dans le contexte africain, les arbres sont des marqueurs de l’identité des populations qui en font usage.

2Ainsi, considérer l’arbre à néré (Parkia biglobosa) comme un patrimoine revient à s’intéresser à la problématique actuelle de sa gestion en tant que ressource et en tant que processus, ce qui amène à s’interroger sur les différents facteurs participant à sa dynamique. L’étude de l’arbre à néré comme patrimoine nous permet d’analyser l’évolution de la fonction et de la nature des arbres, des mesures de protection et de gestion à différentes échelles. La patrimonialisation des arbres montre entre autres que les relations entre les hommes et la « nature » sont à l’origine des mesures de conservation actuelles liées aux pratiques anciennes. La question des arbres à néré comme exemplarité de la préservation environnementale mais aussi comme indicateur de l’évolution des rapports de genre constitue l’objet de ce travail.

3Le néré est un arbre typique des zones semi-arides et subhumides de l’Afrique de l’Ouest. Si l’arbre à néré pousse naturellement dans la brousse, il fait partie des arbres « utiles » de la Haute Guinée. Dans un premier temps sélectionné et conservé par les agriculteurs dans les champs de culture ou de jachères récentes, l’arbre à néré représente une importante source de produits de cueillette. Le soumbara, produit issu de la transformation des graines de néré, est un travail spécifiquement féminin.

4Si dans la gestion patrimoniale des arbres à néré (liée au droit foncier), une grande importance à l’accès aux arbres est accordée aux femmes qui cherchent à les exploiter, avec l’augmentation croissante de la valeur marchande des produits du néré (poudre, graines) qui s’obtiennent à partir du pilage de la pulpe, les arbres font un objet de convoitise de la part les hommes qui revendiquent aujourd’hui une propriété exclusive de la ressource dans les champs familiaux. Si au Bénin, Gutierrez et Juhe-Beaulaton ont démontré que ce sont les hommes qui ont les droits sur les arbres et les femmes qui cueillent et préparent le condiment, en Guinée, les hommes accordent aux femmes le droit de propriété des nérés se trouvant dans les champs. La question principale qui se pose à ce propos est de savoir comment le néré, une plante liée au patrimoine de la Haute Guinée et sous le contrôle de toute la communauté en général et de la femme en particulier, résistera-t-il aux sollicitations consécutives à l’extension des échanges marchands pour garder son caractère patrimonial ? L’importance de l’arbre à néré à travers ses nombreuses vertus (alimentaires et thérapeutiques) fait l’objet de préservation par toute la communauté. A des périodes précises de l’année, ce sont les coutumiers qui règlementent la cueillette des produits.

5Dans un tel contexte, l’objectif assigné à ce travail est dans une première phase de présenter le néré comme un arbre du patrimoine local pour les habitants à travers la préservation de sa valeur symbolique (arbre de paix) sous la responsabilité de la femme, de souligner le caractère progressivement marchand de la production et enfin de montrer les convoitises qui se profilent, du fait de l’augmentation de ses apports financiers.

6Le choix des sites des arbres à néré que nous comptons étudier a été fait en Haute Guinée, la région la plus productrice de toute la Guinée. Notre recherche s’est inscrite dans une approche compréhensive qui place les acteurs au centre de la démarche car il s’agit de connaître et de comprendre le sens que ces acteurs donnent à la gestion patrimoniale des arbres, à leurs pratiques par rapport au genre, et à la gestion des revenus des activités productives, celles du néré en particulier. Elle s’est appuyée sur des méthodes qualitatives et quantitatives. Le choix des sites d’enquête s’est fait en fonction des critères économiques, sociaux, géographiques, historiques et culturels. A partir de notre base de sondage, nous avons choisi un échantillon d’une population totale de 105 personnes, avec 45 personnes pour la Préfecture de Kankan (Balandou, Sanfina et Kötero), 30 pour Kouroussa (Moussaya, Sanguiana) et 30 également pour Siguiri (Niandakoro, Norassoba).

Le néré dans l’écosystème de la Haute Guinée

7La présence du néré dans l’écosystème de la Haute Guinée témoigne donc de l’installation de populations qui tirent de cet arbre plusieurs substances utiles comme au Burkina Faso où l’arbre a été étudié par Traoré (2006). Cet arbre s’inscrit dans le paysage d’un agro-système qui connaît pendant une certaine période de l’année les températures les plus élevées du pays. Les arbres dominants du paysage sont le karité (Butyrospermum parkii), dont les noix fournissent la matière grasse dans l’alimentation, le néré (Parkia biglobosa) et le kapokier. Les deux premiers font surtout l’objet de protection par la communauté. Lors du défrichage des parcelles pour des nouvelles cultures, les paysans épargnent ces arbres. L’arbre à néré se distingue de nombreuses espèces se trouvant dans les parcs agroforestiers de la Haute Guinée. Nos observations de terrain auprès des populations locales (hommes et femmes, jeunes et vieux) révèlent que le néré est le plus précieux de ces parcs. D’après les études conduites par le CIEPEX en 2000 et le projet FRI en 2009 sur les meilleures espèces d’arbres appréciées par les populations de la Haute Guinée, le néré a été choisi comme l’arbre préféré des agriculteurs.

Origine et caractéristique du néré

8Le néré est l’une des 34 espèces connues du genre Parkia dont la région d’origine est l’Amérique du Sud. Elle fait partie de la famille des Mimosacées. Selon Busson (1965), la mention écrite la plus reculée sur cet arbre remonterait à Adanson qui écrivait dès 1757 que ses fruits sont fort recherchés par les Africains, surtout quand ils voyagent. René Caillé cite également le néré au cours de ses voyages en Afrique entre 1819 et 1828 et qualifie son fruit de très nourrissant et d’une grande ressource pour le voyageur (Jacques-Felix, 1963 ; Busson, 1965). L’origine du néré a fait l’objet de débats houleux par les spécialistes de la botanique. Actuellement, on le trouve dans les parcs agro-forestiers des savanes soudaniennes, depuis le Sénégal à l’Ouest jusqu’en Ouganda à l’Est.

Figure 1. Distribution géographique des Parkia en Afrique par Shao (2000).

Figure 1. Distribution géographique des Parkia en Afrique par Shao (2000).

Source : SHAO, 2000

9Cet arbre porte un nom différent dans chaque communauté. Cette diversité linguistique reflète les connaissances traditionnelles anciennes sur l’espèce. Le grand nombre de coutumes, rites, légendes et manifestations folkloriques témoigne de l’interdépendance profonde, durable et harmonieuse et des avantages mutuels entre les habitants et les arbres. Ces connaissances portent sur de nombreuses caractéristiques de l’arbre comme l’adaptation, les divers emplois, sa vigueur, sa résistance aux parasites et à certaines maladies, la texture de son écorce et sa capacité de production de fruits (quantité, qualité et périodicité) (Ouédraogo, 1995).

10Son nom « néré » en bambara est le plus usuellement utilisé pour désigner l’arbre dont le nom scientifique est Parkia biglobosa. Le néré prend aussi différentes appellations en langue française : mimosa poudre, arbre à farine, arbre à fauve, caroubier africain (Dalziel, 1937) et « African locust bean » en anglais. Selon Traoré (2007), c’est un grand arbre de 15 à 20 m de hauteur, avec une large cime étalée en parasol et des feuilles de couleur vert foncé biparipennées. Chaque feuille se compose de 14 à 30 paires de pinnules plus ou moins opposées avec chacune 50 à 70 paires de folioles de 1,5 cm de long et 3 cm de large. Son écorce a l’aspect d’écailles à tranche rouille et son rachis est de couleur grisâtre à brun clair et duveteux.

Figure 2. Le néré de la floraison à la poudre.

Figure 2. Le néré de la floraison à la poudre.

Source : Enquête de terrain, 2013

11Les fruits sont de longues gousses d’environ 45 cm, de 2 cm de largeur, légèrement arquées, suspendues en grappes au réceptacle sur la fleur en forme de massue. Avant la maturation, l’endocarpe remplit constamment toute la cavité des gousses entre les graines, devenant pulvérulent et jaune clair à la maturité. Les gousses s’ouvrent à maturité et contiennent de nombreuses graines noires aplaties enrobées dans une pulpe jaune riche en saccharose.

12En Afrique, on le retrouve le plus souvent dans les zones qui bénéficient du climat de type soudanien. Selon Maydell (1983), l’arbre exige des précipitations moyennes minimales comprises entre 500 et 700 mm d’eau par an. Le néré est le genre d’arbre qui n’aime pas les régions trop humides ni trop chaudes. C’est ce qui explique la limitation de son extension à certaines zones de la Guinée. La température favorable à la croissance du néré correspond à celles du climat tropical sec. C’est le cas de la région de la Haute Guinée qui bénéficie du climat sud soudanien.

13Le néré supporte des températures minimales comprises entre 18°C et 22°C et les températures maximales qui varient entre 33°C et 35°C. La densité de peuplement du néré est plus importante dans les forêts claires et dans les savanes. On le retrouve beaucoup plus sur les sols siliceux. Il se développe très peu sur les sols cuirassés et gravillonnaires. Le néré a aussi un profil de type saisonnier et se récolte principalement en saison sèche comme la majeure partie des espèces qui composent le paysage. De par sa densité il incarne la savane guinéenne. Il s’identifie à celle-ci et la personnalise. La Haute Guinée représente la zone d’excellence du néré en Guinée, mais son importance dans le paysage varie selon les préfectures et sous-préfectures. En moyenne, 50 % de l’ensemble des arbres dans les zones de fort peuplement sont essentiellement constitués des arbres à néré. Quant à l’amélioration génétique, les travaux sont à leur début au Centre de Recherche Agronomique de Bordeaux (CRAB) et de Kankan ; les stratégies restent à affiner pour répondre aux exigences à la fois de la production et de la protection.

14On ne connaît pas le nombre d’hectares du territoire national occupé par les peuplements de néré. A travers une première étude réalisée par le CIEPEX en 2000, l’on peut affirmer que le potentiel guinéen en récolte annuelle de grains de néré est considérable pour une valorisation de la filière. Toutes les préfectures ayant fait l’objet de la présente étude produisent du néré, mais malheureusement aucune statistique fiable n’est tenue par les services techniques en place. La Haute Guinée produit à elle seule plus de 2850 tonnes par an (CIEPEX en 2000). Dans les champs le rendement des arbres est plus important que dans la brousse. Cette forte croissance des arbres dans les champs s’explique par le fait que les néré sont bien aérés et subissent moins de concurrence. Ils sont ainsi mieux entretenus et échappent aux feux de brousse qui réduisent la capacité productive de la plante.

  • 1 La règlementation stricte de l’arbre à néré par toute la communauté fait que dans les zones enquêté (...)

15Depuis qu’il existe en Guinée, le néré n’a jamais été planté ou coupé par les populations rurales. Une première raison réside dans son utilité au plan nutritif. En effet, la poudre du néré joue un rôle important dans la résorption des disettes pendant les périodes de soudure. Aussi, la graine du néré est transformée pour obtenir la moutarde du soumbara très prisée dans l’amélioration de la qualité des sauces africaines. Une deuxième raison réside dans la valeur pharmacologique de la plante. Les feuilles, l’écorce et les racines du néré ont toutes une capacité thérapeutique reconnue. Pour toutes ces raisons, l’arbre est considéré comme un don de Dieu. Celui qui se hasarde à le couper s’expose à une sanction divine. C’est pourquoi l’arbre est toujours épargné dans le débroussaillage des champs de culture, il ne fait l’objet d’aucune coupe et n’entre vraiment pas dans l’exploitation du bois de feu1.

Distribution du néré en Haute Guinée

16En Guinée, deux études intéressantes ont été déjà réalisées, l’une portant sur le néré dans la conservation de la biodiversité en zone de savane (Nicodème, 2006), et l’autre sur le néré dans la lutte contre la pauvreté des femmes rurales de la Haute Guinée (Camara, 2006). Il ressort de ces études que les peuplements se rencontrent dans toutes les préfectures de la région de la savane guinéenne où les divers organes sont utilisés dans la vie socioéconomique et culturelle. Au début de la saison des pluies, les fruits récoltés, après maturation, sont stockés par les femmes jusqu’aux mois de juin et août. La pulpe des fruits contient jusqu’à 60 % de sucre. Ils sont consommés frais ou séchés, sous forme de bouillie et de poudre (Auberville, 1950).

17En Haute Guinée, la densité de peuplement du néré est variable dans l’espace. On constate un peuplement de plus en plus dense d’est en ouest et du sud au nord. Au fur et à mesure qu’on s’enfonce vers l’ouest, les densités s’amenuisent à cause des conditions édapho-climatiques de la zone côtière à l’ouest et de ceux de la zone forestière au sud. Sa position géographique est relativement égale à celle du karité. Les parcs à néré se rencontrent à travers toute la région mais ils sont beaucoup plus remarquables dans les zones de fortes densités – correspondant à nos zones d’enquête –, où le néré est le plus souvent associé à d’autres arbres comme le karité et l’anacardier. Actuellement, un véritable réseau de distribution, dont les ramifications se trouvent presque dans toutes les préfectures de la Guinée et débordent dans les capitales et principales villes des pays limitrophes, s’est organisé autour des produits du néré.

Figure 3. Production de grains de néré par zone en Haute Guinée.

Figure 3. Production de grains de néré par zone en Haute Guinée.

Source : CIEPEX, 2008

18Il ressort du graphique de la figure 3 que sur les 4 350 tonnes produites, la zone de la Moyenne Guinée - Kindia est la zone de production intense, avec plus de 30 % de la production totale estimée, suivie de la zone de Kouroussa – Faranah avec 28 %.

19Bien que le néré soit un arbre des savanes, il apparaît qu’il est plus dense dans les zones à moyenne pluviométrie car les zones de Kindia, Mamou, Faranah, le sud de Dabola et de Kouroussa et la préfecture de Kissidougou sont plus pluvieuses que celles de la Haute Guinée nord et nord-est. Il est également ressorti du même rapport du CIEPEX en 2007 que les zones de faibles productions en Guinée produisent à leur tour mieux que celles de grandes productions du Mali et du Sénégal.

20Cela revient à dire que tous les villages et districts de la Haute et Moyenne Guinée produisent du néré. Pour les grandes zones de production, le peuplement est de 8 à 15 arbres par hectare et de 2 à 3 arbres pour les zones de faibles productions.

Figure 4. Densité de population des arbres à néré dans la région administrative de Kankan.

Figure 4. Densité de population des arbres à néré dans la région administrative de Kankan.

Source: Zonage agro-écologique de la zone d'intervention du projet participatif de développement rural de la Haute Guinée, SIG/CRA Bordo, janvier 2010

21En raison de la place centrale qu’il occupe dans la société, le néré apparaît surtout et avant tout comme un arbre social, économique et environnemental et, comme tel, il est respecté malgré quelques pressions auxquelles il est exposé dans son habitat par certaines personnes sous de multiples prétextes. Il est considéré comme l’arbre des champs par excellence, très utile aux paysans en raison de fonctions multiples qu’il remplit au bénéfice des populations locales. Ce sont donc les pratiques humaines qui, depuis des millénaires, ont construit, façonné et modelé les parcs arborés comme ceux du néré. Dans la plupart des cas, les recherches se sont limitées au cadre descriptif de la production et à l’étude de la valeur alimentaire et pharmaceutique du produit du néré. En 2000 l’étude de Guttierez s’est intéressée à l’aspect filière à travers la transformation et la commercialisation de l’afitin, un condiment béninois. A notre connaissance, aucune étude ne s'est intéressée à la fois à l’aspect patrimoine et filière, prenant en compte les rapports de genre à travers la forte implication des femmes dans le processus de production, de transformation et de commercialisation de ce produit. Pourtant, la filière néré constitue aujourd’hui une importante source de revenu pour une éventuelle amélioration des conditions de vie des femmes rurales ainsi que pour le renforcement d’une certaine autonomie financière.

Le néré dans les structures de production locale

22Dans le contexte africain, les arbres sont marqueurs de l’identité des populations qui en font usage. Parmi ces espèces, celles qui à travers leurs produits remplacent les protéines ont été longtemps les plus recherchées par les populations rurales pauvres. Les arbres intégrés dans les structures de production sont présents dans toute la région et la mise en culture de nouvelles parcelles par les cultivateurs suscite un défrichage au cours duquel certaines espèces sont abattues, arrachées puis brûlées.

23Dans les unités de production, les arbres à néré improductifs ne sont pas coupés. Ces arbres sont conservés à cause de leur utilité pour les sols et les cultures auxquels ils servent de fertilisants et d’ombrage. Bien que les femmes soient les principales productrices, utilisatrices et transformatrices des fruits issus des arbres à néré, ce sont les hommes, chefs de lignage et propriétaires terriens, qui contrôlent les arbres dans les champs de culture. La conservation des arbres à néré dans divers espaces de production et l’accès aux fruits sont d’une importance capitale pour les femmes. Ce sont les femmes qui récoltent le néré et transforment ses graines en soumbara de façon artisanale tout au long de l’année. Confrontées par ailleurs à des problèmes fonciers, certaines de ces femmes font face à de multiples difficultés qui affectent parfois leurs revenus, du fait de la méthode traditionnelle et de l’insuffisance de matériels utilisés.

24Mises à part celles qui transforment pour l’autoconsommation, le plus souvent la plupart des femmes s’unissent dans les villages pour la transformation du soumbara. La transformation constitue le maillon de la chaîne où l’on assiste à une collectivisation des tâches et une répartition équitable des revenus. C’est surtout une forme de prestation de services où 5 à 6 femmes transforment une tonne de grains de néré en une semaine au maximum pour le compte d’une commerçante de soumbara. Les transformatrices détiennent tous les équipements nécessaires à la transformation, sauf l’emballage du produit fini. Parfois une femme négocie le contrat et se fait aider par ses filles ou ses sœurs. Cette activité paraît assez lucrative pour que celles-ci délaissent les travaux champêtres, sauf le maraîchage.

25Selon une étude du Centre International d’Echange des produits (CIEPEX) en 2007, à partir de 30 kg de fruit par exemple, une femme peut transformer 15 kg de graine séchée en 6 kg de soumbara. Les bénéfices que perçoivent les transformatrices dans la filière varient suivant les périodes, en fonction des prix de production qu’elles ont investis en amont et les autres dépenses liées à l’achat du bois et à la main-d’œuvre. Dans l’ensemble, ces femmes réalisent de gros bénéfices pendant la saison sèche qui correspond à la période de cueillette de néré, mais les plus gros bénéfices sont réalisés lorsque les transformatrices drainent le soumbara vers le Mali et les autres pays voisins (Côte d’Ivoire, Sénégal, Gambie, Guinée Bissau, etc.).

Figure 5. Circuit de commercialisation des produits du néré en Haute Guinée.

Figure 5. Circuit de commercialisation des produits du néré en Haute Guinée.

Les multiples usages du néré

26Pour mieux mettre en évidence les multiples usages liés au néré, il est important de prendre en compte toutes les composantes de l’arbre : la pulpe du fruit frais, les graines, la cosse et le produit fini (soumbara) dans les divers domaines déjà étudiés par Traoré (2006) au Burkina Faso en 2006.

  • 2 Le couscous de néré est une recette issue de la vaporisation de la poudre jaune extraite de la pulp (...)
  • 3 Cette période coïncide avec la saison des pluies où la presque totalité des greniers sont vides à c (...)

27La pulpe du néré contient une farine jaune très riche en saccharose avec 85 % de glucides et peut être consommée directement ou délayée dans de l’eau pour obtenir un liquide auquel on peut ajouter du miel ou du lait. Nos observations de terrain ont montré que tous les enquêtés, hommes comme femmes, consomment le néré directement soit en suçant la pulpe ou délayant la farine dans l’eau avec un mélange de miel ou de lait. La farine de la pulpe est préparée sous forme de couscous2 accompagné de sauce par de nombreuses familles pendant la période de soudure3. Ce couscous est très apprécié par l’ensemble de nos enquêtés. A ce propos, une femme s’exprime :

« Le couscous de néré fait la fierté de nous les femmes productrices du néré quand les céréales données par les hommes finissent avant la récolte suivante. Il remplace à certains moments le riz quand nous n’avons pas les moyens d’en acheter pour toute la famille. Un étranger est venu rendre visite un jour dans la famille et ma coépouse qui était de tour n’avait rien à lui proposer à manger. Le couscous que j’avais préparé pour mes enfants lui a été offert et mon mari était fier car l’étranger ne racontera pas les difficultés de notre ménage ailleurs » (entretien du 06/12/2012 avec une productrice de Norassoba, 38 ans).

28La pulpe du néré est préparée sous forme de gâteau par les femmes et remplace à certains moments le sucre dans la préparation de la bouillie. Vu ces multiples usages de la pulpe, le néré couvre pendant la période de soudure le déficit alimentaire de certaines familles.

29Les graines de néré sont séparées de la pulpe par battage et constituent, de loin, la principale ressource du néré. Très riches en protéines (41 %) et en graisse (21 %), elles sont utilisées après fermentation comme condiment dans les sauces. Le soumbara, condiment issu de la fermentation des graines, se présente sous forme de pâte et il est préparé par la majeure partie des femmes productrices de néré en Haute Guinée. Ce produit constitue une des principales épices qui assaisonnent les sauces dans la famille. Bien qu’ayant une forte odeur, son goût est très apprécié par les populations vivant en milieu rural. Dans toute la région de la Haute Guinée, le soumbara est utilisé dans les repas quotidiens. Les apports nutritifs des graines de néré fermentées comparés à ceux de la viande de poulet révèlent que, pour 40 kg de néré, il faudrait 46 poulets pour avoir autant de protéines, 61 pour avoir autant de graisses et 57 pour avoir autant de calories que le soumbara obtenu par transformation (Traoré, 2006).

  • 4 Le néré in mhtml:file://F:/patrimoine/Le néeé.mht, 16/12/2010.

30Les feuilles, l’écorce, la farine et la cosse sont utilisées par les populations dans certaines affections traditionnelles. L’écorce est utilisée dans la lutte contre les douleurs de ventre des enfants, les maux de dents, les plaies, les coliques violentes, la bronchite, les maladies vénériennes, les dermatoses, etc. Les feuilles luttent contre les morsures et traitent aussi les douleurs liées au ventre des enfants. Après avoir été débarrassées du pétiole, les feuilles sont utilisées pour soigner les brûlures et les hémorroïdes. Plusieurs de nos enquêtés déclarent que la farine de néré délayée dans de l’eau avec un peu de piment sert à lutter contre le paludisme. Le néré est réputé en Afrique pour sa capacité à résoudre les problèmes de goitre chez certaines populations et pour prévenir l’hypertension, voire la diminuer4. La farine de la pulpe a des propriétés laxatives.

31En plus de tous ces usages, les feuilles entrent aussi dans la composition d’un ciment servant à lisser les murs avec du kaolin et du beurre de karité. La cosse est utilisée par les femmes pour fabriquer de la potasse qui entre dans la préparation de certains aliments et dans la fabrication du savon traditionnel. Elle est aussi utilisée en poterie, pour donner aux objets un aspect vernissé après cuisson. La cosse contient une substance toxique utilisée pour pêcher les poissons dans les mares.

L’intérêt d’une approche par le patrimoine

32Après plusieurs décennies de délaissement, la question patrimoniale (Amougou, 2004) agite aujourd’hui les sphères citoyennes et scientifiques. Bien que certains géographes comme Diméo (1994), Le Bossé (1999) ou Péron (2001) se soient intéressés à la question du patrimoine, Vincent Veschambre (2007) souligne la longue absence de participation de la géographie à la rédaction des ouvrages de référence. En effet, contrairement aux ethnologues, anthropologues, historiens, architectes, juristes, etc., les géographes ont mis du temps à orienter leurs travaux sur le patrimoine. Se qualifiant de « profane » en ce domaine au cours de la décennie 1990 (Veschambre, 2007), le géographe s’est interrogé sur sa légitimité à travailler sur ce terrain. Issu d’une triple opération de sélection, d’appropriation et de préservation, le patrimoine s’est inscrit dans la dynamique territoriale en tant qu’élément fondateur, garant de sa cohésion et de sa continuité (El Ansari, 2008). Pour le géographe Olivier Lazarotti (2011), « le patrimoine est un ensemble d’attributs, de représentations et de pratiques fixé sur un objet non contemporain (choses, œuvre, idées, témoignage, bâtiment, site, paysage, pratique) dont est décrété collectivement l’importance intrinsèque (ce en quoi cet objet est représentatif d’une histoire légitime des objets de société) et extrinsèque (ce en quoi cet objet recèle des valeurs supports d’une mémoire collective), qui exige qu’on le conserve et le transmette ». Cette définition met en avant l’idée de la décision collective de l’importance d’un objet qui va entraîner une démarche de conservation et par conséquent de protection.

L’arbre en tant qu’objet du patrimoine

33Dans l’approche du patrimoine, Vincent Veschambre fait allusion à trois orientations : l’une autour de l’aménagement et du développement des territoires, se rapportant notamment au tourisme ; une seconde prenant en compte la question du paysage, des représentations et des environnements ; et une troisième plus identitaire, celle des géographies culturelle et historique, dont notre réflexion s’est nourrie. L’arbre comme patrimoine met en jeu les rapports entre l’Homme et la nature et doit donc se comprendre comme patrimoine naturel et culturel. Certains géographes comme Paul Pélissier (1980) suivent cette orientation dans leur approche sur la fonction des arbres dans les sociétés africaines. Il prend en compte le contexte local, physique et identitaire, qui s’applique aussi à notre réflexion sur la conservation patrimoniale en Haute Guinée. Dans l’ensemble des préfectures de la région, de nombreuses discussions s’établissent autour de la question de l’intérêt, du sens et des enjeux de conservation des arbres considérés comme patrimoine. Notre séjour sur le terrain laisse transparaître différents scénarios concernant ces questions. Il paraît alors important que deux facteurs clefs soient à prendre fortement en considération : les jeux d’acteurs évoluant autour des arbres faisant l’objet d’un patrimoine et les valeurs attribuées à ce patrimoine. A cet effet, différentes personnes sont concernées par la définition et la gestion du patrimoine quand il s’agit surtout des arbres.

  • 5 L’approche systémique prend en compte l’interdépendance qui peut exister entre les différents facte (...)

34La définition patrimoniale de l’arbre peut passer d’une dominante naturelle à une dominante culturelle et même trouver un équilibre entre les deux. Pour Pasquier (2011) et Diop (2007), cet équilibre est aberrant lorsqu’il concerne le paysage. Tandis que pour Keïta et Vivien, il suffit de remonter aux origines de la protection de la nature pour tenter de cerner l’évolution des pratiques de protection ou de celle des relations hommes-nature. A cet effet, les dynamiques relatives à l’interrelation entre les notions de patrimoine naturel et patrimoine culturel sont à replacer dans leur contexte et nombreux sont les facteurs à prendre en compte : sociaux, économiques, historiques, spatiaux, etc. Ces dynamiques peuvent faire l’objet de modélisation au sein du « système patrimoine » à travers une approche systémique5.

35Dans l’approche géographique, étudier le patrimoine en tant système consiste à prendre ce concept dans sa complexité. Un système est un ensemble interdépendant dont les éléments sont en interaction au point que les modifications des uns peuvent avoir des répercussions sur les autres. Il est important de distinguer au sein de ce « système patrimoine » les éléments en interaction. Ces derniers sont des valeurs attribuées au patrimoine, des perceptions des populations concernées et des pratiques créatrices de patrimoine ainsi que de celles qui en découlent (Pasquier, 2011). L’approche systémique permet dans ce cas de structurer la temporalité du patrimoine ou du territoire. Ce constat comme le souligne Pasquier (2011) est visible chez Guy Di Méo qui souligne la force du lien existant entre patrimoine et territoire en insistant sur le fait que les deux participent « simultanément, d’une double nature matérielle et idéelle » (objet et symbolique ou délimitation et perception), qu’ils s’inscrivent dans « le tissu social de la continuité historique, tout en constituant de solides phénomènes culturels » (histoire et mémoire collective, sélection et mise en valeur d’objets représentatifs) jouant ainsi le rôle « de ciment identitaire » (1994, p.17) ; l’identité, dans son acception territorialisée, est ici entendue comme « une construction sociale et historique du Soi et de l’Autre, entités qui (…) se trouvent constamment et réciproquement engagées et négociées dans des rapports de pouvoir, d’échange ou de confrontation, plus ou moins disputables et disputés, qui varient dans le temps et l’espace » (Le Bossé, 1999, p. 118). L’analyse systémique du patrimoine consiste donc à le comprendre dans sa co-construction identitaire et territoriale intégrant les trois éléments : société/temps/espace.

Représentation et symbolisme autour du néré : un « arbre de paix »

36Dans la majeure partie des communautés africaines, l’arbre représente l’élément important de l’environnement culturel, social, économique et symbolique des populations. Il prend diverses significations dans les contes, les mythes, les rituels de vie et de mort. Les riches connaissances traditionnelles présentent une image sociale particulière de l’arbre à néré en tant que ressource commune, qui renforce la cohésion du groupe et est un symbole de paix, de continuité et de développement harmonieux dans ces communautés. L’arbre n’est pas seulement une ressource économique pour les Africains, il s’intègre aussi à une cosmogonie, à une façon d’appréhender le monde. Il constitue un lien entre le monde souterrain et le ciel, résidence des esprits de la forêt. Les villages sont toujours fondés autour des grands arbres.

  • 6 Les personnes qui ont répondu à nos enquêtes de terrain en 2013 dans les zones situées dans les pré (...)

37Le néré demeure alors un élément de cet univers parmi tant d’autres espèces que l’homme apprivoise et utilise. Le néré fait partie des mythes africains. Pour certaines populations6 vivant en milieu rural de la Haute Guinée, le néré possèderait un esprit ou principe vital (nyama pour les Malinkés) qui protègera l’enfant contre certaines infections dans le ventre de la mère. Au cas où cet enfant naît avec une maladie comme une fissure au niveau de l’anus ou au niveau de la tête, c’est l’écorce de l’arbre qui soigne ces anomalies. En Haute Guinée, les parcs à nérés, comme l’ont démontré Gutierrez et Juhé-Beaulaton (2002) au Bénin, font souvent l’objet d’attention particulière des populations rurales. Certains contes en langue malinké véhiculent des messages dans le cadre de la protection de l’arbre à néré.

  • 7 Selon les propos recueillis dans la préfecture de Kankan, Samory veillait lui-même à la préservatio (...)

38Les traditions affirment même que l’abondance du néré autour de certains villages de la Haute Guinée est liée au héros légendaire de la lutte contre la colonisation française, Samory Touré7, à la fin du XIXème siècle. Celui-ci a aussi créé un empire aux dépens des pouvoirs locaux. L’abondance du néré autour des villages s’explique par la valeur que toute la société lui accorde. C’est le cas dans de nombreux pays de la sous-région ouest-africaine (Bénin, Mali, Niger) où, dans les parcs agroforestiers, les parcs à nérés sont souvent le résultat d’un défrichement sélectif (Gutierrez, Juhé-Beaulaton, 2002).

Figure 6. Considérations patrimoniales de l’arbre du néré.

Figure 6. Considérations patrimoniales de l’arbre du néré.

Source : Enquête de terrain 2013

  • 8 Les coutumiers sont généralement les populations autochtones qui possèdent des terres dans la régio (...)
  • 9 Dans le contexte de la Haute Guinée, ce sont les fruits qui sont le plus sollicités par les populat (...)
  • 10 Douti : expression employée dans la langue malinké pour désigner le chef des terres. Il est choisi (...)
  • 11 Les personnes qui enfreignent le règlement sont sanctionnées par une amende en cas de non-respect d (...)

39A cet effet, la considération patrimoniale de l’arbre à néré nous amène à comprendre les modes de gestion et d’entretien de cet arbre. La gestion de l’arbre à néré est très règlementée par les coutumiers8 qui le plus souvent autorisent la récolte en vue d’assurer la protection des arbres. Pour cela, ces arbres de la brousse comme ceux situés dans les champs ne sont exploités que pendant la période de maturité des fruits9 quand il s’agit d’un usage alimentaire. Pour d’autres usages (thérapeutique, confection de maison) en des cas exceptionnels qui mobilisent beaucoup plus l’écorce que les fruits, la règlementation est revue par le douti10 et ne demande pas la période de maturité des fruits qui coïncide aux mois de mars et avril. Le graphique de la figure suivante montre que ces consignes sont respectées par 94 % de la population. Les quelques récalcitrants11 sont surveillés de près par la communauté mais dans un contexte dynamique.

Figure 7. Interdiction de l’exploitation du néré avant terme.

Figure 7. Interdiction de l’exploitation du néré avant terme.

Source : Enquête de terrain 2013

40Notre démarche s’est appuyée sur la théorie des « mutations patrimoniales » (Diop, 2007, p. 31) pour analyser les processus de transformation des relations de genre et des modalités de passage du patrimoine à la propriété, de la communauté à l’individu ou inversement. Elle observe et étudie les mécanismes de transformation du statut des arbres à néré et des ressources naturelles en fonction des représentations sociales ou culturelles de différents acteurs. L’analyse de ces processus et mécanismes en Guinée a montré que la généralisation de la propriété privée est étroitement liée au développement du marché et à l’existence d’une autorité organisée. Ce processus de mutations patrimoniales s’inscrit dans un contexte de rapports de forces entre différents groupes et obéit le plus souvent à la loi du plus fort (Diop, 2007, p. 31). C’est le cas de la gestion et du contrôle des arbres à néré par l’usage d’une réglementation qui a évolué dans le temps. La colonisation et l’islamisation ont contribué à la transformation des rapports de genre et à la gestion patrimoniale de certains arbres comme le néré en Haute Guinée. Ainsi, notre analyse a porté également sur les causes externes de ces normes qui ont eu des conséquences internes.

La transformation des graines de néré en soumbara: des savoirs et savoir-faire d’un patrimoine féminin

Des savoirs féminins anciens : traitement des fruits et préparation du soumbara

41Le soumbara, un condiment traditionnel de nombreux pays d’Afrique, est devenu un produit de rente pour bon nombre de productrices et une filière s’est organisée pour acheminer le produit vers les centres de collecte où il fait l’objet d’un commerce régional. Dans ce contexte, rendre visible l’activité des productrices qui souhaitent augmenter la productivité de leur travail, alléger les tâches pénibles, stabiliser la qualité du produit, s’assurer d’une activité régulière, mieux s’intégrer aux réseaux de commercialisation en vue d’avoir une autonomie financière devient une nécessité.

42Ferre et Muchnik (1993, p. 263) notent qu’« au même titre que le "nuoc-mam" en Asie du Sud-est, ce condiment est sans conteste un ingrédient majeur de la cuisine africaine ». Bien qu’étant aujourd’hui concurrencé par le "bouillon cube" Maggi qui fait l’objet de nombreuses campagnes de promotion à travers les médias, le soumbara, un véritable "produit local", reste très populaire et consommé par tous sans distinction de classe ou de revenus. Nos enquêtes de terrain réalisées dans les différentes localités montrent que dans la préparation de plusieurs plats traditionnels (tô, lafidi, fidi, etc.), la présence du soumbara est de rigueur.

43Le processus de transformation est le même dans les zones de production. Mais comme pour tout produit traditionnel, chaque femme possède sa « recette » pour préparer le meilleur soumbara. Cette différence de recette est le plus souvent liée aux modes de fermentation des graines et de confection des boules. La transformation proprement dite est d’abord précédée par un certain nombre de travaux de décorticage manuel et de pilage des gousses du néré pour enlever la pulpe. Ensuite les femmes effectuent le lavage des graines qu’elles font sècher au soleil pendant quelques jours.

44En effet, la durée de transformation du soumbara s’étend sur un maximum de quatre jours dans l’ensemble des zones de production enquêtées. Elle se déroule en cinq principales étapes qui vont du pilage à la confection des boules.

Le soumbara, un produit marqué par une forte identité socioculturelle et territoriale

45En Guinée, le modèle de soumbara préparé est fonction de chaque région de production. Le principal foyer de production du soumbara du pays se situe en Haute Guinée. Cette identité géographique est reconnue par de nombreux consommateurs qui vivent surtout dans les milieux urbains de la Guinée et à l’extérieur du pays.

« Le soumbara de la Haute Guinée est le plus recherché par nos populations et celles des pays voisins comme le Mali, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal. C’est du soumbara très prisé et pâteux. Il donne un bon goût à n’importe quelle sauce » (entretien avec une productrice de Balandou).

  • 12 Ce déficit de condiments est souvent comblé par le soumbara qui donne un goût spécifique aux différ (...)
  • 13 Le est une recette qui est préparée à base de la poudre de manioc pour remplacer le riz qui cons (...)

46Le soumbara fait partie intégrante des habitudes alimentaires des familles de la Haute Guinée, surtout pendant la période de soudure où les femmes sont exposées au déficit en condiments12. Dans cas, le soumbara est utilisé par les femmes pour donner un goût spécial à la sauce qui accompagne le13pendant la saison des pluies qui s’étendent de fin mai à début septembre. A travers la renommée de la Haute Guinée dans la transformation du soumbara, c’est l’identité culturelle de la région qui est valorisée. Selon nos informations sur le terrain, le berceau du soumbara en Haute Guinée serait la sous-préfecture de Balandou. L’histoire du néré dans cette localité remonte bien avant la création du village de Balandou. Un collecteur de néré raconte les conditions d’émergence de l’activité du néré :

« C’est un ancêtre au nom de Famoudou de Balandou qui est allé séjourner dans le village de Batè Nafajdi. Pendant son séjour, ce dernier fut apprécié par tout le village à cause de son comportement très respectueux. Ainsi, le chef du village avait une vingtaine de filles et proposa une en mariage à l’étranger. Il se trouvait que dans la famille du chef toutes ses femmes et leurs enfants pratiquaient l’activité du néré. C’est ainsi que la future mariée demandait à son prétendant si une fois chez lui elle pouvait continuer l’activité du néré. Alors, le mari prit un engagement auprès des parents qui laissèrent partir leur fille dans un autre village. Une fois à Balandou, la nouvelle mariée continua à exploiter le néré qui n’était pas très connu par les femmes de la localité comme une activité commerciale. Voyant que cette activité rapportait des revenus à la famille de Famoudou, chaque femme de Balandouka s’est intéressée à l’activité et aujourd’hui nous pouvons dire que la transformation du soumbara est devenue l’activité principale des femmes de Balandou. L’activité est transmise des mères aux enfants et il est rare de voir aujourd’hui une famille à Balandou qui n’exploite pas le néré. Si avant les peuplements de néré ne faisaient pas l’objet de contrôle, ils sont devenus grâce à l’arrivée de la première femme de notre ancêtre un produit de cueillette très réglementé » (entretien avec un collecteur).

47Les éléments du récit de vie rapporté montrent que nous nous trouvons en face de deux lignages à descendance patrilinéaire fondés sur un système matrimonial à résidence virilocale. Malgré les éléments fondateurs d’un tel système la femme peut néanmoins constituer un vecteur de transport de technologies, de normes et de valeurs d’une communauté vers une autre. Dans ces sociétés à généalogie globale, les éléments structurant la cueillette des produits forestiers non ligneux reposent sur l’apprentissage, le conditionnement et l’imitation.

48Par ailleurs, le récit nous amène à nous interroger sur l’origine sociale et « l’ancrage » territorial du soumbara dans cette partie de la Guinée. Est-ce un ancrage d’origine écologique ou sociale ? La réponse à cette question nous renvoie à l’importance écologique, économique et sociale du néré qui appartient désormais aux espèces végétales totalement protégées par les populations dans ces zones de production. Les conditions climatiques de ces zones étant favorable au néré, cela revient à dire que les arbres existent partout. Cependant, l’identité territoriale du soumbara est aujourd’hui un fait social car elle s’appuie sur des savoir-faire des mères qui se transmettent aux filles. Ainsi, ces zones d’enquête restent des zones de transformation intense et renommée à travers la qualité du soumbara produit.

L’arbre à néré, un patrimoine menacé par la monétarisation de la société ?

49Dans le cas de la filière néré, la valorisation du néré pour les marchés intérieurs et extérieurs, depuis l’avènement de la deuxième République en 1984 qui prôna le libéralisme économique, a favorisé l’implication de nouveaux acteurs dans la filière néré en Guinée. En effet, l’augmentation de la demande des pays de la sous-région ouest-africaine a beaucoup encouragé l’intervention de nouveaux acteurs masculins alors que l’activité d’exploitation et de commercialisation était principalement féminine. Ces nouveaux acteurs initient de nouvelles dynamiques sociales et économiques qui concurrencent les femmes productrices de néré. Dans un tel contexte, la façon dont les différents acteurs s’organisent et surtout la place que les femmes occupent dans la filière néré nous permettront également de mieux comprendre le fonctionnement de la dite filière.

50Ces dernières années, vu l’importance accordée au néré sur les marchés de la sous-région et quelques commentaires sur sa valeur marchande, certains hommes commencent à s’intéresser à l’activité et revendiquent la propriété des fruits cueillis dans leurs champs. C’est ainsi que ces chefs de famille s’approprient une partie des quantités de gousses de néré cueillies sur les champs familiaux bien que la cueillette et la transformation incombent toujours aux femmes. Ce type de comportement est lié à la campagne de sensibilisation sur la valeur marchande du néré ces dernières années. Dans ce cas, les femmes vendent les gousses de néré en reversant la moitié ou une partie de leurs bénéfices à leurs maris. Les hommes poussent leurs femmes à la vente immédiate pour se procurer un revenu rapide. Par contre ces dernières préfèrent transformer les graines pour en consommer directement le soumbara et vendre une partie pour faire face à d’autres besoins de la famille.

51Plus la demande des produits du néré augmente sur les marchés intérieurs et extérieurs, plus le néré devient une ressource convoitée et pour laquelle ces nouveaux acteurs que sont les hommes développent des stratégies commerciales qui défavorisent les femmes qui ont longtemps œuvré comme actrices principales de la filière. Ces stratégies développées par les hommes pour vendre le maximum de graines de néré aux collecteurs provoquent la baisse des prix mais aussi limitent en quantité l’accès des femmes à cette ressource sur les terres familiales.

52On peut citer en plus les collecteurs qui sont dans la quasi-totalité des cas des hommes et qui sillonnent les marchés hebdomadaires des villages pour acheter les grains de néré. Ils disposent des moyens financiers leur permettant de s’appuyer sur des réseaux villageois de proximité pour mieux s’approvisionner. Certains collecteurs sont souvent employés par les grossistes et d’autres par contre évoluent à leur propre compte. Ces derniers associent la collecte du néré à d’autres produits agricoles comme les céréales qu’ils commercialisent pour accroître leurs bénéfices. Les collecteurs travaillant pour les grossistes reçoivent des commissions pour les tâches accomplies dans la collecte. Ils peuvent dans certains cas être en contact direct avec les acheteurs s'ils sont originaires du même village que les collecteurs ou s’ils sont parents.

53Certains collecteurs disposent de leurs propres camions pour transporter le néré collecté dans les villages. D’autres qui ne disposent pas de moyens de transports personnels bénéficient de l’appui de leurs patrons grossistes ou déplacent des transporteurs pour acheminer les produits collectés vers les lieux de commercialisation. Le collecteur vend au grossiste le prix du sac en fonction de la distance parcourue, la quantité de sacs chargés et le prix de la main-d’œuvre pour le chargement et le déchargement.

54Les collecteurs sont des personnes très utiles pour les grossistes, des hommes également, qui ne se rendent presque pas dans les zones de production. Ces grossistes qui le plus souvent ne sont pas originaires des zones de production ne bénéficient pas des mêmes réseaux de relations que les collecteurs. Dans plusieurs villages producteurs (Banlandou, Sanfina, Kotero, Sanguiana et Moussaya) comme l'indique la figure 4, les collecteurs négocient les grains de néré au plus bas prix pour répondre à la demande des grossistes surtout au début du mois de mai, période à laquelle les femmes ont le plus besoin de liquidités. Il arrive que les collecteurs soient aussi des commerçants de grains de néré qu’ils vendent pour leur propre compte. Parallèlement à la demande des grossistes qui les emploient, ils constituent leurs stocks de néré qu’ils revendent tout en court-circuitant les femmes productrices et les grossistes qui les emploient. Avec leurs propres stocks emmagasinés pour la période de rareté des produits du néré, les collecteurs ne constituent donc pas de simples intermédiaires au niveau de l’aval de la filière. Ils se positionnent aussi à la commercialisation. Vu leurs rôles dans la filière, ils sont aussi considérés comme des acteurs en concurrence potentielle avec l’amont et l’aval de la filière.

55Les commerçants grossistes occupent une place stratégique dans la filière néré. Ce sont eux qui revendent à l’extérieur et à l’intérieur la poudre et les graines de néré aux semi-grossistes, aux détaillants et aux transformatrices du soumbara. Les différents déplacements qu’ils effectuent entre les campagnes et les villes lorsqu’ils s’approvisionnent sans les intermédiaires les placent au centre des rapports entre tous les acteurs. Ils sont en majorité composés d’hommes qui disposent de grands moyens financiers et matériels. Contrairement aux hommes qui s’emploient beaucoup plus dans le commerce de gros, il existe aussi quelques femmes grossistes des grains de néré et de soumbara. Parmi elles, certaines commercialisent leurs produits le plus souvent à des échelles locale et nationale, et d’autres moins nombreuses qui disposent d’un capital important vont vendre leurs produits dans les pays de la sous-région, alors que les grossistes hommes sont nombreux à évoluer à toutes les échelles (locale, nationale et sous-régionale) de commercialisation du néré.

56En fin de compte, l’essentiel de la valeur ajoutée est de plus en plus récupérée par les hommes aux dépens des femmes. Dans ces conditions, que restera-t-il bientôt du néré comme arbre du patrimoine de la Guinée ?

Conclusion

57L’arbre à néré est considéré comme un patrimoine par le fait qu’il est vénéré par l’ensemble de la population de la région. Contrairement à certains arbres qui sont coupés pendant l’ouverture des champs, le néré est protégé. La densité de néré est variable dans l’espace de la Haute Guinée car il existe une disparité d’arbres dans différentes zones de production. Sa présence permanente dans le système agraire témoigne de l’attachement des populations. La transformation effectuée de façon artisanale constitue un savoir-faire des femmes productrices qui traditionnellement en ont le monopole.

58En effet, l’arbre à néré et ses produits sont liés à de nombreuses utilisations tant dans les domaines alimentaire que dans la pharmacopée. Ces différentes utilisations des produits du néré traduisent aussi son importance symbolique et sociale dans le quotidien des populations de la Haute Guinée. Toutes ces vêtures participent à la patrimonialisation de l’arbre. Les techniques de transformation du soumbara par les femmes se font de générations à générations. Les productrices transmettent leurs savoir-faire à leurs filles qui continuent à exploiter le néré une fois mariées. Le soumbara de la région se territorialise par rapport à celui de la Moyenne Guinée à travers les modes de transformation et les goûts. L’identité territoriale du soumbara est liée aussi à l’ethnie car certaines productrices originaires de la Moyenne Guinée (Peules du Wassoulou) utilisent les techniques de leur région d’origine. Cependant, depuis une dizaine d’années, attirés par les profits générés par la marchandisation progressive du néré, les hommes envahissent de plus en plus la filière, au risque de lui enlever tout caractère patrimonial.

59Pourrait-on dire dès lors que la protection de l’arbre à néré est le fruit de sa patrimonialisation ? On pourrait le penser mais l’intrusion de l’homme cherchant à s’approprier les revenus du néré semble indiquer que la valeur patrimoniale de cet arbre va céder le pas aux simples motivations économiques.

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Notes

1 La règlementation stricte de l’arbre à néré par toute la communauté fait que dans les zones enquêtées, il n’y a réellement pas d’exploitation pour le bois de feu. Les populations des différentes localités sont informées à travers les mythes et légendes du mauvais sort que peut entraîner la coupe de l’arbre comme bois de chauffe.

2 Le couscous de néré est une recette issue de la vaporisation de la poudre jaune extraite de la pulpe du néré.

3 Cette période coïncide avec la saison des pluies où la presque totalité des greniers sont vides à cause de la rareté des produits agricoles.

4 Le néré in mhtml:file://F:/patrimoine/Le néeé.mht, 16/12/2010.

5 L’approche systémique prend en compte l’interdépendance qui peut exister entre les différents facteurs pris en compte.

6 Les personnes qui ont répondu à nos enquêtes de terrain en 2013 dans les zones situées dans les préfectures de Kankan, Kouroussa et Siguiri.

7 Selon les propos recueillis dans la préfecture de Kankan, Samory veillait lui-même à la préservation de l’arbre à néré qui jouait un rôle important dans l’alimentation de ses sofas (garde rapprochée) pendant les périodes de guerre.

8 Les coutumiers sont généralement les populations autochtones qui possèdent des terres dans la région. Dans les années passées, ils attribuaient des terres aux populations à travers des colas sans avoir recours aux travailleurs de l’habitat. Avec la monétarisation, cette pratique a aujourd’hui évolué. Les terres font l’objet de vente par les coutumiers qui souvent associent des spécialistes de l’habitat afin d’épargner les zones réservées par l’Etat.

9 Dans le contexte de la Haute Guinée, ce sont les fruits qui sont le plus sollicités par les populations. L’arbre à néré ne sert pas de bois de chauffe.

10 Douti : expression employée dans la langue malinké pour désigner le chef des terres. Il est choisi par la communauté elle-même pour défendre les intérêts liés à la terre de la communauté.

11 Les personnes qui enfreignent le règlement sont sanctionnées par une amende en cas de non-respect de cette décision.

12 Ce déficit de condiments est souvent comblé par le soumbara qui donne un goût spécifique aux différentes sauces qui accompagnent le riz et le tô pendant la saison des pluies qui correspond aux travaux agricoles intenses.

13 Le est une recette qui est préparée à base de la poudre de manioc pour remplacer le riz qui constitue l’aliment de base pour de nombreuses familles.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Distribution géographique des Parkia en Afrique par Shao (2000).
Crédits Source : SHAO, 2000
URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/21569/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 80k
Titre Figure 2. Le néré de la floraison à la poudre.
Crédits Source : Enquête de terrain, 2013
URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/21569/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 188k
Titre Figure 3. Production de grains de néré par zone en Haute Guinée.
Crédits Source : CIEPEX, 2008
URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/21569/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 60k
Titre Figure 4. Densité de population des arbres à néré dans la région administrative de Kankan.
Crédits Source: Zonage agro-écologique de la zone d'intervention du projet participatif de développement rural de la Haute Guinée, SIG/CRA Bordo, janvier 2010
URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/21569/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 332k
Titre Figure 5. Circuit de commercialisation des produits du néré en Haute Guinée.
URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/21569/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 124k
Titre Figure 6. Considérations patrimoniales de l’arbre du néré.
Crédits Source : Enquête de terrain 2013
URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/21569/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 64k
Titre Figure 7. Interdiction de l’exploitation du néré avant terme.
Crédits Source : Enquête de terrain 2013
URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/21569/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 20k
URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/21569/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 172k
URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/21569/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 64k
URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/21569/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 68k
URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/21569/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 64k
URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/21569/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 87k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Mabetty Touré, « Le néré, un arbre du patrimoine de la Haute Guinée »Belgeo [En ligne], 2 | 2018, mis en ligne le 18 juin 2018, consulté le 27 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/belgeo/21569 ; DOI : https://doi.org/10.4000/belgeo.21569

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Auteur

Mabetty Touré

Université de Sonfonia Conakry, mabetytoure@yahoo.com

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Droits d’auteur

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