JUPORTAL Base de données publique de la jurisprudence belge
  Taille d'impression    
Cour de cassation  Cour de cassation
Jugement/arrêt du 24 avril 2023

No ECLI:

ECLI:BE:CASS:2023:ARR.20230424.3F.1

No Rôle:

C.21.0548.F

Affaire:

EMEK INSAAT STI LTD contra UNION EUROPÉENNE

Domaine juridique:

Autres - Droit constitutionnel

Date d'introduction:

2023-05-04

Consultations:

1346 - dernière vue 2024-04-27 15:21

Conclusions M.P.:

ECLI:BE:CASS:2023:CONC.20230424.3F.1

Fiches 1 - 4

A l'exception de la sixième partie du Code judiciaire, les dispositions de ce code, dont l'interdiction pour les juges de déléguer leur juridiction, ne s'appliquent pas à la procédure d'arbitrage (1). (1) Voir les concl. du MP.

Thésaurus Cassation:

ARBITRAGE

Bases légales:

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 2, 11, 1681 et 1700 - 01 Lien ELI No pub 1967101052

Thésaurus Cassation:

JUGEMENTS ET ARRETS - MATIERE CIVILE - Généralités

Bases légales:

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 2, 11, 1681 et 1700 - 01 Lien ELI No pub 1967101052

Thésaurus Cassation:

POUVOIRS - POUVOIR JUDICIAIRE

Bases légales:

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 2, 11, 1681 et 1700 - 01 Lien ELI No pub 1967101052

Thésaurus Cassation:

TRIBUNAUX - MATIERE CIVILE - Généralités

Bases légales:

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 2, 11, 1681 et 1700 - 01 Lien ELI No pub 1967101052

Annotations

Publications:

JT-Journal des tribunaux - 2023, n° 25, p. 417. - E. L.; Note sous cassation.

Texte de la décision

N° C.21.0548.F
1. EMEK INSAAT STI LTD, société de droit chypriote, dont le siège est établi à Nicosie (Chypre), Sht Hikmet Rezvan Sokak, 5,
2. WTE WASSERTECHNIK GMBH, société de droit allemand, dont le siège est établi à Essen (Allemagne), Ruhrallee, 185,
demanderesses en cassation,
représentées par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
UNION EUROPÉENNE, représentée par la Commission européenne, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue de la Loi, 200, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0949.383.342,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 17 juin 2021 par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, statuant en dernier ressort.
Par ordonnance du 8 mars 2023, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le 9 mars 2023, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général
Hugo Mormont a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demanderesses présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
En vertu de l’article 1681 du Code judiciaire, une convention d’arbitrage est une convention par laquelle les parties soumettent à l’arbitrage un différend existant entre elles au sujet d’un rapport de droit déterminé.
Suivant l’article 1700, §§ 1er et 2, de ce code, les parties peuvent convenir de la procédure à suivre par le tribunal arbitral et, faute d’une telle convention, le tribunal arbitral peut, sous réserve des dispositions de la sixième partie du Code judiciaire, fixer les règles de procédure applicables à l’arbitrage comme il le juge approprié.
En vertu de l’article 2 du même code, les règles énoncées dans le Code judiciaire s’appliquent à toutes les procédures, sauf lorsque celles-ci sont régies par des dispositions légales non expressément abrogées ou par des principes de droit dont l’application n’est pas compatible avec celles des dispositions de ce code.
L’article 11, alinéa 1er, de ce code dispose que les juges ne peuvent déléguer leur juridiction.
Il suit de la combinaison de ces dispositions que, à l’exception de la sixième partie du Code judiciaire, les dispositions de ce code, dont l’interdiction pour les juges de déléguer leur juridiction, ne s’appliquent pas à la procédure d’arbitrage.
Le moyen, qui, en cette branche est tout entier fondé sur le soutènement contraire, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
Quant au second rameau :
Le jugement attaqué énonce que, « dans le cadre de l’arbitrage de la Chambre de commerce internationale » mis en œuvre par les parties, « le tribunal arbitral a proposé [à celles-ci le 29 mars 2019] de s’adjoindre l’aide d’une secrétaire administrative […], également collaboratrice au sein du cabinet d’avocats [du président du tribunal arbitral] », que cette dernière « s’est engagée à agir conformément à la ‘note aux parties et aux tribunaux arbitraux sur la conduite de l’arbitrage selon le Règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale telle qu’[elle était] en vigueur à l’époque », que « le tribunal arbitral s’est également lui-même engagé à veiller au respect de cette note » et que « les parties ont marqué leur accord sur cette désignation ».
Le jugement attaqué relève que « la fonction du secrétaire administratif est définie par la ‘note aux parties et aux tribunaux arbitraux sur la conduite de l’arbitrage selon le Règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale’ aux articles 183 à 188 » et que « l’article 185 précise que, ‘nonobstant ce qui précède, un secrétaire administratif peut accomplir des tâches relatives à l’organisation et à la gestion telles que […] la préparation de projets d’ordonnances de procédure ainsi que la rédaction des parties factuelles d’une sentence (par exemple résumé de la procédure, chronologie des faits, synthèse des positions des parties) qui seront soumis à l’examen du tribunal arbitral ; la participation aux audiences, réunions et délibérations du tribunal arbitral ; la prise de notes […] ; les recherches juridiques ou autres ».
Il considère qu’ « il ressort de cette disposition [que] le secrétaire administratif peut être amené à effectuer un travail intellectuel dont l’impact est susceptible d’affecter la prise de décision », dès lors qu’il « effectu[e] des recherches juridiques, rédig[e] des parties factuelles de la sentence ou pren[d] des notes à l’occasion des délibérations », mais que la note pose « plusieurs balises aptes à prévenir le risque de délégation du pouvoir de juger au secrétaire administratif ».
Il souligne qu’ « ainsi, la note de la Chambre de commerce internationale insiste sur le fait que l’assistance d’un secrétaire administratif ne dispense pas le tribunal arbitral d’examiner personnellement le dossier qui lui est soumis » et que c’est « en ce sens » que l’article 184 « prévoit […] que ‘les tâches confiées au secrétaire administratif ne sauraient en aucune circonstance décharger le tribunal arbitral de son obligation d’examiner personnellement le dossier. Le tribunal arbitral ne saurait en aucun cas déléguer ses fonctions décisionnelles à un secrétaire administratif pas plus qu’un tribunal arbitral ne doit s’appuyer sur un secrétaire administratif afin qu’il exerce pour son compte les attributions essentielles d’un arbitre’ ».
S’agissant de la question de « la rédaction de tout ou partie de la sentence par le secrétaire administratif », le jugement attaqué relève que « l’article 187 de la note de la Chambre de commerce internationale indique quant à lui : ‘le fait pour un tribunal arbitral de demander au secrétaire administratif de préparer des notes écrites ou des mémorandums ne pourra en aucun cas dispenser le tribunal arbitral de son obligation de revoir personnellement le dossier et/ou de rédiger lui-même toute décision du tribunal arbitral’ » et considère qu’ « en utilisant les termes ‘et/ou’, l’article 187 précité autorise implicitement mais certainement le secrétaire administratif à rédiger tout ou partie d’un projet de sentence, à charge pour le tribunal arbitral de revoir personnellement le dossier et valider ou corriger ledit projet à la lumière de son examen du dossier » et que, si la Chambre de commerce internationale « avait voulu exclure la rédaction […] par le secrétaire administratif », elle « n’aurait pas utilisé ces termes alternatifs ‘et/ou’ » et qu’elle « organise elle-même des formations à la rédaction de sentences exécutoires (ou advanced level training on drafting enforceable awards) à l’attention des secrétaires administratifs ».
Par ces énonciations, le jugement attaqué, qui donne à connaître que l’interdiction pour le tribunal arbitral de déléguer ses fonctions juridictionnelles ne fait pas obstacle à ce que le secrétaire administratif prépare des notes et mémorandums qui, soit feront partie de la sentence après que le tribunal arbitral les aura, sur la base de son examen personnel du dossier, revus, corrigés et validés, soit serviront de base à l’établissement par ce tribunal, après ce même examen personnel, de la sentence, ne donne pas des dispositions précitées de la note litigieuse une interprétation inconciliable avec leurs termes, partant, ne viole pas la foi due à l’acte qui les renferme.
Il reconnaît ainsi à ces dispositions les effets que, dans l’interprétation qu’il en donne, elles ont légalement entre les parties.
Le moyen, en ce rameau, ne peut être accueilli.
Quant au premier rameau :
D’une part, le moyen, qui, en ce rameau, fait grief au jugement attaqué d’admettre que, contrairement à ce que prévoit la note de la Chambre de commerce internationale, le tribunal arbitral peut déléguer au secrétaire administratif la rédaction d’une partie de la sentence arbitrale et de la liste de questions à poser aux experts, est déduit des illégalités vainement dénoncées par le second rameau.
D’autre part, s’il invoque la violation de la notion légale d’intuitu personae, le moyen, en ce rameau, n’indique pas la disposition légale qui serait violée.
Le moyen, en ce rameau, est irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demanderesses aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de six cent vingt-six euros septante et un centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.

Document PDF ECLI:BE:CASS:2023:ARR.20230424.3F.1

Publication(s) liée(s)
  Taille d'impression    

Powered by PHP 8.2.7

Server Software Apache/2.4.57

== Fluctuat nec mergitur ==