Après le Ministère de l'Economie et des Finances de 2007 à 2011, puis la direction du FMI entre 2011 et 2019, Christine Lagarde prend les rênes de la BCE succédant à l'Italien Mario Draghi. Issue du monde politique, elle aura la lourde tâche de conduire la politique budgétaire de l'Europe.
- George Papaconstantinou Professeur à l’Institut Universitaire Européen, ancien ministre des Finances grec (2009-2011)
- Guillaume Duval Éditorialiste à "Alternatives économiques" et conseiller au Conseil économique, social et environnemental (CESE)
- Catherine Mathieu Économiste à l’OFCE, spécialiste du Royaume-Uni et des questions européennes
- Jézabel Couppey-Soubeyran Maîtresse de conférences en économie à l’université Paris-I, conseillère scientifique à l’Institut Veblen
- Mathilde Lemoine Economiste et cheffe économiste du groupe Edmond de Rothschild
Après un mandat de huit ans à la tête de la Banque centrale européenne, Mario Draghi laisse la place à Christine Lagarde. L'ancienne ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie sous Nicolas Sarkozy, puis directrice du Fonds Monétaire International de 2011 à 2019 a été proposée par le Conseil européen avant de recevoir la validation des directeurs de banques nationales cet été. Elle est entrée en fonction le 1er novembre 2019.
Si l'Italien avait un profil bien identifié dans le milieu de la finance - banquier de formation, il était passé du poste de vice-président de la branche européenne de la banque d'affaires américaine Goldman Sachs à celui de gouverneur de la Banque d'Italie avant la BCE , l'avocate française, elle, vient de la sphère politique. Aura-t-elle la confiance des caciques de l'économie européenne ? Pour Guillaume Duval, éditorialiste à Alternatives Economiques et conseiller au Conseil économique, social et environnemental, auteur de « Trump, Poutine, Orban, Salvini, le Brexit... Une chance pour l'Europe ! » ( Les Petits Matins, 2019), c'est justement ce parcours politique qui pourrait débloquer certains blocages laissés par Mario Draghi :
La politique de Mario Draghi a concouru à développer les inégalités et le populisme en Europe, notamment en faisant monter les prix de l'immobilier et en nourrissant les intermédiaires financiers. La discussion entre les gouvernements nationaux et Mario Draghi à ce sujet n'a pas toujours été fructueuse. Christine Lagarde peut jouer ce rôle là : elle connait parfaitement ce langage politique, en étant passé par le Ministère de l'Economie et des Finances en pleine crise des subprimes.
Hamdam Mostafavi, rédactrice en chef de Courrier International, dresse les portraits de Mario Draghi et de Christine Lagarde :
La Chronique de Courrier International
“C’est l’homme qui a sauvé l’euro”, affirme La Repubblica, qui rappelle ce surnom dont il est souvent affublé “Super Mario”. Le quotidien de Rome - ville dont Draghi est originaire- surnomme aussi l’économiste italien, banquier et fils de banquier, âgé de 72 ans, “le sphinx”, car “on ne sait jamais ce qu’il pense”. Pour le journal il restera l’homme qui était prêt à “faire tout ce qu’il faudra” pour sauver l’euro, une phrase restée célèbre qu’il a prononcé en 2012. L’économiste américain Paul Krugman le décrit dans le New York Times comme le “meilleur gouverneur de banque centrale des temps modernes”. C’était l’homme de “l’unité” qu’on osait critiquer qu’à demi-mot, ajoute le journal. Même si ces derniers temps les critiques se sont faites plus virulentes note Le Financial Times, qui explique que les derniers jours de Draghi ont été assombri par des querelles “intenses”. Les dernières décisions de Draghi ont provoqué des divisions au sein même de la BCE, alerte le journal économique. Et des tensions très fortes avec le président de la banque centrale allemande - L’Allemagne, avec qui il aura eu une relation compliquée. En 2011, à sa nomination, le tabloïd allemand Bild le montrait couronné du casque à pointe, symbole de la Prusse, alors qu’il vantait le modèle allemand. Aujourd’hui, Bild le qualifie le “comte Draghila” car il est accusé de sucer l’épargne des contribuables allemands. Pour le Wall Street journal, Mario Draghi part sur une note amère, l’institution étant soumise à tant de divisions internes et de pressions extérieures que certains se demandent si elle pourra répondre à la dernière stimulation monétaire décidée par Draghi afin d’éviter la récession dans la zone euro”
Pour le Financial times, elle est un choix peu conventionnel à ce poste, car contrairement à ses prédécesseurs, l’ancienne avocate et ministre de 63 ans n’est pas une économiste et n’a jamais dicté de politique monétaire,- le quotidien économique la décrit même comme “l’anti-Draghi”. Cette fille d’enseignants, ancienne championne de natation synchronisée, a surtout été reconnue pour son calme et sa compétence dans la gestion de la crise financière, en temps que ministre des Finances en France. A la tête du FMI, où elle a succédé à Dominique Strauss-Kahn, “elle a suscité l’admiration grâce à ses talents diplomatiques et à sa capacité à atteindre le consensus”, malgré son franc-parler lorsqu’elle a notamment appelé les Grecs à payer “tous leurs impôts”. Son approche plus conciliante pourrait apaiser les tensions au sein de la banque centrale et avec l’Allemagne, espère le journal britannique. Le Wall street journal s’inquiète néanmoins de son absence d’expérience dans le domaine monétaire, estimant qu’il “va falloir qu’elle apprenne très vite” alors qu’elle est attendu au tournant. Pour le site américain Bloomberg, ce sont justement ces qualités différentes de Mario Draghi qui feront sa force. Elle sera celle qui “cherchera des solutions diplomatiques aux problèmes.” C’est aussi une femme de discipli ne, affirme le site, qui rappelle qu’au FMI, elle demandait aux participants des réunions de ne pas regarder leur téléphone et de limiter leurs interventions à 4 minutes. Pour le journal, sa discipline et son talent politique pourraient être cruciaux quand il s’agira de convaincre les gouvernements nationaux."
La nouvelle présidente de l'institution basée à Francfort, en Allemagne, qui a déjà assuré sa volonté de s'inscrire dans la lignée de Mario Draghi. Pour George Papaconstantinou, professeur à l ’Institut Universitaire Européen, ancien ministre des Finances grec, l'Italien a largement contribué à l'évolution de la BCE :
Pendant le mandat de Jean-Claude Trichet, de 2003 à 2011, la BCE était beaucoup plus conservatrice. Quand Mario Draghi arrive, il y a un changement de ton. L'ancien gouverneur de la Banque de France était d'ailleurs complètement opposé à l'idée de soutenir la Grèce, contrairement à Mario Draghi. Le volontarisme de l'Italien a aussi permis de mettre en place des dispositifs d'aide entre les Etats membres.
Plusieurs mécanismes qui ont permis de surmonter les difficultés colossales intervenues après 2008, comme le souligne Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Conseillère éditoriale au CEPII, Centre d'études prospectives et d'informations internationales :
Mario Draghi débute son mandat en 2011 dans un contexte extrêmement difficile : la crise des dettes souveraines. En prenant en charge les risques bancaires, les agences de notation ont douté de la capacité des Etats à ne pas faire défaut, comme la Grèce. C''est le début d'un cercle vicieux où tout se dégrade rapidement.
Mais le défi le plus important, poursuit-elle, c'est la transparence vis-à-vis des citoyens européens :
Il faut absolument que la BCE s'exprime, se justifie, explique son rôle et ses projets. Il en va de sa légitimité démocratique. En s'engageant dans la transition écologique, elle pourrait se rapprocher de l'économie réelle et des préoccupations populaires.
Avec Catherine Mathieu, économiste à l’OFCE, spécialiste des questions européennes, Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Conseillère éditoriale au CEPII, Centre d'études prospectives et d'informations internationales, et par téléphone, Mathilde Lemoine, professeure à Sciences Po Paris, chef économiste du groupe Edmond de Rothschild, Guillaume Duval, éditorialiste à Alternatives Economiques et conseiller au Conseil économique, social et environnemental, auteur de « Trump, Poutine, Orban, Salvini, le Brexit... Une chance pour l'Europe ! » ( Les Petits Matins, 2019) et George Papaconstantinou, professeur à l ’Institut Universitaire Européen, ancien ministre des Finances grec.
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