L'Horeca souffre des changements intempestifs dans les mesures sanitaires: "L'idéal serait d'instaurer un cadre général clair"
L'annonce du Comité de concertation qui a lieu ce vendredi suscite des craintes dans le secteur de l'Horeca, qui n'est pas capable de s'adapter aussi rapidement que les modifications des mesures sanitaires.
- Publié le 02-12-2021 à 17h31
- Mis à jour le 02-12-2021 à 19h42
C'est confirmé : à la suite de la demande du ministre-président flamand Jan Jambon (N-VA) de prendre "d'urgence" de nouvelles mesures sanitaires, et au vu de la recrudescence de l'épidémie en Belgique, un nouveau Comité de concertation (Codeco) est prévu ce vendredi, à 9h.
Selon le groupe d'experts qui conseille le gouvernement fédéral dans la gestion de la crise sanitaire, l'Horeca devrait fermer ses portes dès 20h, au lieu de 23h. Il préconise également le retour d'une bulle de contact limitée à cinq personnes: une mesure redoutée qui pourrait restreindre le nombre de personnes à table dans les restaurants, déjà limité à six personnes depuis le dernier Codeco de vendredi dernier.
Les réactions issues du secteur de l'Horeca s'étaient d'ailleurs montrées virulentes à la suite de celui-ci. Découragés, certains restaurateurs pointaient alors quelques errements qui ont fait perdre des milliers d'euros aux établissements.
À quel point la volatilité des restrictions sanitaires pèse-t-elle sur l'économie sectorielle ? Pour Bruno Van der Linden, chercheur et Professeur d'économie à l'UCLouvain, cela dépend à la fois du secteur et du contexte général.
La pénurie des travailleurs
"La première réflexion à avoir pour comprendre les répercussions des restrictions sur l'Horeca est le type de contrat des travailleurs du secteur", explique le chercheur. Chaque nouvelle mesure sanitaire qui concerne les restaurants et les bars est donc un défi pour les employeurs, qui doivent revoir à la baisse (ou à la hausse en cas de reprise) leurs équipes et le type de contrat à octroyer.
En faisant référence à une étude sur la pénurie dans le secteur de l'Horeca, Bruno Van der Linden explique qu'"un certain nombre de personnes travaillant dans l'Horeca au moment du début de la crise sanitaire" étaient soumis à des contrats à courte durée. Lorsque le premier confinement a été instauré, "elles ne rentraient pas dans la plupart des conditions pour bénéficier d'aides comme le chômage temporaire".
À défaut d'alternatives économiques, celles-ci finissent par quitter le secteur de l'Horeca et... ne plus y revenir, même si ce dernier redémarre. Au moment de la reprise économique et de l'ouverture des bars et restaurants, le secteur a effectivement été confronté à une pénurie de main-d'œuvre: la moitié des travailleurs et travailleuses dans le secteur de l'Horeca au premier trimestre 2020 n'étaient plus actifs un an plus tard.
La possibilité de stockage à long terme
Par ailleurs, "au niveau du processus de production d'une entreprise, passer d'un arrêt à un démarrage est toujours un peu compliqué. La capacité de redémarrage (ou de fermeture) d'une entreprise est liée à sa capacité de stockage des biens qu'elle produit".
En l'occurrence, pour les restaurants, le bien produit est de la nourriture. Or, "on n'achète pas des légumes pour plusieurs mois puisque c'est une denrée périssable". Fermer temporairement un restaurant est donc rapidement réalisable. En revanche, la perte encourue par cette fermeture peut s'avérer importante, selon le stock restant des produits achetés.
La stabilité : une condition à la crédibilité ?
Définir un cadre de mesures sanitaires et ne plus le changer pour permettre une stabilité dans le secteur est-il donc la bonne chose à faire ? Pas certain, selon l'économiste.
Certes, "les ménages et les entreprises ont tendance à postposer leurs investissements (acheter une machine à laver ou recruter du personnel) si le contexte économique est incertain". Dans le cas de la crise sanitaire, l'incertitude est encore plus radicale puisque les politiques n'ont aucune emprise sur son évolution: elle est extérieure au cadre légal dans lequel ils prennent leurs décisions. Les autorités auraient donc intérêt à proposer des mesures qui diminuent cette incertitude, en proposant des choses plus durables dans le temps.
D'un autre côté, poursuit Bruno Van der Linden, "je ne suis pas certain qu'un politique qui propose des mesures définitives, sans la possibilité d'ajuster le tir, soit une chose souhaitable", la situation sanitaire évoluant continuellement. Il faut éviter d'être trop rigide et pouvoir s'adapter à la situation, "sans jouer au yoyo non plus".
"L'idéal serait peut-être d'instaurer un cadre général clair, avec des mesures qui peuvent s'adapter selon l'évolution de la situation sanitaire", en se basant sur des facteurs spécifiques, comme le nombre de lits occupés dans les hôpitaux, par exemple. "À voir si c'est faisable bien entendu...".