Le règne des nouvelles banques
Coûts très bas, frais de change inexistants et offre 100% digitale: les néobanques ont le vent en poupe et pourraient bien faire de l’ombre aux banques traditionnelles.
- Publié le 02-10-2019 à 06h00
Le smartphone remplacera-t-il, définitivement, l’agence bancaire? L’émergence des néobanques, ces start-up dématérialisées et innovantes dans leurs services, tend à redéfinir un secteur en pleine mutation. N26 et Revolut, les deux institutions financières les plus connues en Europe, comptabiliseraient déjà plus de sept millions d’utilisateurs sur le Vieux Continent.
1. Les clés du succès Apparues il y a cinq ans, ces banques en ligne connaissent un véritable succès, principalement auprès d'une jeune génération rompue aux nouvelles technologies.
Les raisons d’un tel engouement? La gratuité des frais fixes, du moins pour le pack de base, mais aussi l’absence de frais de change. Régler un achat sur internet en dollars ou convertir ses euros en livres sterling ne génère donc pas de frais (ou des frais extrêmement limités).
«Il est vrai que les tarifs offerts par ces banques sont, en moyenne, de 1,6 à 3 fois moins élevés que ceux des banques classiques, précise Mikael Petitjean, professeur à l'UCLouvain et à l'IÉSEG (Lille et Paris). Les dernières banques en ligne qui ont vu le jour, comme Revolut, se sont particulièrement attaquées aux frais de change que la plupart des acteurs conventionnels considéraient comme inévitables. Ces nouveaux acteurs poussent donc les frais à la baisse, même s'ils ne disparaîtront pas complètement.»
La facilité d’utilisation et d’enregistrement fait également partie des arguments avancés par ces nouvelles structures. Il suffit en effet de quelques minutes pour ouvrir un compte depuis votre smartphone. Des documents d’identité sont tout de même demandés, mais la procédure s’avère très rapide.
Notons que le nombre de fonctionnalités de ces banques est assez impressionnant: arrondis aux montants supérieurs pour mettre de l’argent de côté, coffres virtuels et partage d’addition: la formule séduit, incontestablement, les amateurs de nouvelles technologies.
2. Rester prudent Mais gare au mirage, car le monde parfait des néobanques peut dévoiler quelques (mauvaises) surprises. À titre d'exemple, la gratuité des services, argument phare de ces banques, doit être relativisée. Cet avantage se limite effectivement au pack de base. Si vous souhaitez accéder à d'autres fonctionnalités, il faudra mettre la main au portefeuille. Rien d'illogique, en soi: ces banques nouvelle génération, qui n'octroient ni crédits ni prêts hypothécaires, doivent trouver des sources de financement. Autre désagrément: la carte de crédit rechargeable est parfois refusée.
«Il est également important d'attirer l'attention du grand public sur les processus de vérification d'identité et AMI (NDLR: anti-money-laundering ou lutte anti-blanchiment)», ajoute Valéry Halloy, porte-parole de BNP Paribas Fortis. Car la sécurité des banques en ligne pose question.
«Récemment, plusieurs comptes de clients Revolut ont été piratés en Suisse, rappelle Mikael Petitjean. Cela dit, ces néobanques déposent très souvent leurs fonds dans des banques classiques, qui sont alors également couverts par le système de garantie des dépôts en cas de faillite. Il y a même plusieurs néobanques qui assurent une présence physique, certes très réduite, via des guichets de banques traditionnelles dont elles sont parfois une filiale.»
Quoi qu’il en soit, mieux vaut donc être vigilant, y compris après l’ouverture de votre compte: celui-ci devra, en effet, être mentionné dans votre déclaration d’impôt, puisque ces néobanques sont exclusivement des sociétés étrangères.
3. Un secteur revu et corrigé? Ces acteurs participent, indiscutablement, au renouveau du paysage bancaire en Belgique comme ailleurs en Europe. De là à dynamiter le secteur?
«Non, pas vraiment. Mais ces banques concourent à accélérer la transformation des banques classiques qui n'ont pas attendu l'arrivée de ces nouveaux acteurs, nuance le professeur de finance. La concurrence pousse les frais à la baisse mais la qualité des services n'a pas diminué pour autant. Il est vrai que la population plus âgée rencontre des difficultés à s'adapter, mais c'est plus fondamentalement lié à la digitalisation de l'économie.»