Coronavirus: comment l’énorme flux d’infos impacte les Belges (et augmente leur anxiété)
Depuis plusieurs semaines, quatre scientifiques de l’UCLouvain s’intéressent au flux d’informations (vraies et fausses) qui nous envahit depuis le début de la crise. Et ce, afin d’en comprendre l’ampleur et l’impact sur des Belges parfois un brin déboussolés.
- Publié le 13-05-2020 à 19h20
-Des premières mesures de confinement ont été décidées pour la Belgique le 12 mars. Les mesures ont été renforcées à partir du 18 mars , prolongées le 27 mars jusqu'au 19 avril et encore prolongées le 15 avril jusqu'au 3 mai. Une stratégie de déconfinement en 3 phases a été présentée le 24 avril. Les précisions sur le déconfinement ont été apportées le 6 mai .
- Numéros utiles: tous les ressortissants belges qui se retrouvent coincés dans un pays étranger peuvent contacter le call center du SPF Affaires étrangères au 02/501.40.00 (de 9h à 20h, heure belge). Pour tout autre question, afin de désengorger les postes de garde de médecine générale, une ligne spéciale a été mise en place: 0800/14 689 (entre 8h et 20h).
- Mais aussi:le site web www.info-coronavirus.bele et le compte Twitter du SPF Santé.
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Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’inquiète de l’«infodémie» (un flux énorme et incessant d’informations, vraies et fausses, difficiles à gérer pour les individus) qui accompagne la pandémie de Covid-19, quatre scientifiques de l’UCLouvain tentent de mieux cerner ce phénomène qui a cours également en Belgique francophone.
À l’aide d’une étude en ligne lancée entre le 30 mars et le 10 avril, Grégoire Lits, professeur à l’Institut langage et communication de l’UCL, et ses collègues Amélie Cougnon, Alexandre Heeren et Bernard Hanseeuw ont ainsi sondé 1.817 Belges sur leur façon de consommer l’information depuis le début du confinement. Et les premiers résultats dévoilés ce mercredi interpellent déjà.
Invités à se prononcer sur des «fake news» ou des théories complotistes, plusieurssondés (11%) estiment par exemple que le coronavirus est issu d’un laboratoire. De même, près d’une personne interrogée sur trois (32%) croit que le gouvernement cache des informations importantes au sujet du virus. De quoi faire réfléchir les chercheurs sur l’ampleur de l’«infodémie» en Belgique francophone mais pas seulement.
L' infodémie Covid-19 en Belgique - Enquête de l'Observatoire de Recherche sur les Médias (UCLouvain)
Infogram
«Certains résultats sont très intéressants car ils soulèvent beaucoup de questions, note Grégoire Lits. Personnellement, j’ai surtout été très étonné par le faible niveau de confiance du grand public dans les médias traditionnels. Que les gens écoutent surtout les experts (entre 93% et 83% de confiance, selon la source d’expertise) n’est pas étonnant, mais qu’ils estiment que le discours politique est plus fiable (81%) que l’analyse médiatique (entre 78% et 67%), ça me surprend beaucoup car, habituellement, c’est plutôt l’inverse.»
«Chez nous, même si la majorité du public (90% en moyenne) continue à les consulter régulièrement pour s’informer, il y a clairement un déficit de confiance envers les médias traditionnels, poursuit le professeur de l’UCLouvain. C’est paradoxal mais ça peut s’expliquer notamment par la diffusion d’infos parfois contradictoires. Prenons l’exemple d’avancées scientifiques comme la chloroquine: les discours des médias peuvent se télescoper assez violemment en l’espace de quelques jours seulement. Dans ce contexte, la confiance des lecteurs ou téléspectateurs est mise à rude épreuve. Qui dit vrai? Qui dit faux? Qui a raison? Qui ment? Leurs interrogations peuvent être nombreuses. Ce qui crée de la méfiance.»
Les seniors davantage dupés
Observant encore qu’un sondé sur deux partage des infos sur le coronavirus sur les réseaux sociaux - «Ce sont majoritairement les adultes entre 26 et 65 ans qui adoptent cette pratique» - l’étude universitaire remarque également que ce sont les plus jeunes qui semblent le mieux armé pour faire face à l’«infodémie».
«Contrairement aux idées reçues, les jeunes ne sont pas les plus susceptibles de partager ou de croire des «fake news» circulant sur les réseaux sociaux, résume Grégoire Lits. Ils semblent faire une utilisation de ces réseaux plus critique que leurs aînés.» Pour preuve, selon les premiers résultats de l’étude néo-louvaniste, les plus jeunes sondés sont 62% à avoir conscience d’avoir été exposés à de fausses informations contre 49% pour l’ensemble de la population… et seulement 18% pour les 66 ans et plus.
«Aussi troublant que ça puisse paraître, les Belges qui sont le plus exposés à l’épidémie de Covid-19 sont aussi ceux qui, proportionnellement, sont plus nombreux à reconnaître avoir partagé par inadvertance de fausses infos sur les réseaux sociaux.» D’après les chiffres compilés par l’UCLouvain, 25% des seniors ayant partagé de l’information auraient ainsi (re)publié une «fake news» sur Facebook ou WhatsApp, par exemple. Sans doute nos aînés ne maîtrisent-ils pas aussi bien les codes des réseaux sociaux que les plus jeunes. «Et puis, peut-être ne bénéficient-ils pas tous d’un niveau général d’éducation aussi élevé que les moins de 26 ans qui, pour leur part, affichent un plus grand taux d’engagement dans le supérieur où on leur apprend à être plus critique.»