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En Ethiopie, les plaies à vif de la guerre au Tigré

Quatre mois après l’accord de paix signé à Pretoria, les Tigréens témoignent des violences à grande échelle subies entre les mains des forces éthiopiennes, érythréennes et amhara.

Par  (Nairobi, correspondance)

Publié le 03 mars 2023 à 19h42, modifié le 06 mars 2023 à 12h52

Temps de Lecture 7 min.

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Teklay Tiku, un fermier de 71 ans, à Kerseber, un village montagneux du nord du Tigré, le 23 février 2023. Il montre un sac de blé dans lequel les soldats érythréens ont volontairement gâté le grain avec de la terre.

La dernière fois qu’il a aperçu son fils, en cette matinée d’avril 2021, Teklay Tiku a tout de suite su qu’il ne le reverrait jamais. Son benjamin, Russom, âgé de 25 ans, venait d’être raflé devant la ferme familiale par des soldats érythréens venus mener la guerre au Tigré, dans le nord de l’Ethiopie, en appui du gouvernement fédéral. Cette guerre civile, allumée en novembre 2020 entre la région rebelle du Tigré et le pouvoir du premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, avec l’appui de l’Erythrée, battait son plein. Embarqué de force à l’arrière d’un camion déjà plein de jeunes Tigréens de son âge, enlevés comme lui, Russom a été emmené vers l’Erythrée. Depuis, sa famille n’a plus jamais reçu la moindre nouvelle de lui.

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Depuis les contreforts de Kerseber, un village montagneux du nord du Tigré, Teklay Tiku, 71 ans, a depuis longtemps cessé de se faire des illusions sur une guerre qui l’a dépossédé de tout ce qu’il avait de plus précieux : son fils Russom, dont il lui reste seulement une photo d’identité écornée ; sa propriété et, enfin, ses idéaux. Sur la seule porte de sa ferme qui tienne encore debout, le vieil homme désigne un autocollant abîmé sur lequel est inscrit « Finalement en paix », décoré aux couleurs des drapeaux érythréen et éthiopien. Il l’avait collé là en 2018, après le rapprochement entre les deux pays qui devait signer la fin d’un conflit frontalier vieux de vingt ans. « Nous étions soulagés d’avoir enfin la paix avec l’Erythrée, nous y croyions », se souvient-il. Sauf que cette « paix historique » s’est rapidement transformée en une alliance entre Abiy Ahmed et son homologue, le président érythréen, Isaias Afwerki, qui ont uni leurs forces pour partir à l’assaut tout à la fois du Tigré, des Tigréens et de leur parti, le Front populaire de libération du Tigré (TPLF).

Après deux ans de cette guerre fratricide, il ne reste que des lambeaux de la vie d’avant à Kerseber. Les pans de la montagne ont servi, pendant trois mois, de ligne de front. La ferme de Teklay Tiku est éventrée. Ses champs de cactus ont été rasés par les chars érythréens. Des obus de mortier et d’autres restes d’artillerie jonchent sa cour intérieure. Son bétail a été tué ou volé, ses réserves de blé ont été pillées.

Razzias

Teklay Tiku ne pleure pas uniquement son fils disparu. L’homme, revenu chez lui à la mi-février au moment du retrait érythréen, compte aussi les morts. « On vient de retrouver trois corps plus haut, c’était trois anciens du hameau, ils ont été liquidés car ils étaient incapables de fuir », raconte-t-il. Son voisin et ami Berhane Meles, un fermier comme lui, a fait les frais de la brutalité érythréenne. L’homme mince et longiligne aux cheveux blancs, âgé de 67 ans, a été exécuté de sang-froid dans son étable, en contrebas de la colline, par des soldats érythréens venus faire une nouvelle razzia dans un Tigré qu’ils ont pillé de manière répétée pendant deux années d’occupation.

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