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« Les analyses du populisme débouchent sur la même énigme : pourquoi les électeurs votent-ils contre leurs intérêts économiques ? »

Les couches populaires qui se définissaient hier en termes économiques le font aujourd’hui en termes culturels. La question est de savoir pourquoi, s’interroge l’économiste Jean Pisani-Ferry dans sa chronique au « Monde ».

Publié le 27 décembre 2019 à 06h00, modifié le 29 décembre 2019 à 07h07 Temps de Lecture 4 min.

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Donald Trump à un meeting « Keep America Great » à Bossier City (Louisianne), le 14 novembre.

Chronique. Pourquoi le premier ministre britannique Boris Johnson a-t-il réussi à conquérir les circonscriptions rouges des Midlands ? Quelle raison les ouvriers américains ont-ils de soutenir le président américain Donald Trump, dont la politique favorise les riches ? Comment l’ex-ministre de l’intérieur Matteo Salvini, hier champion de l’égoïsme de l’Italie du Nord, a-t-il fait pour étendre son emprise à toute la Péninsule ? Pour répondre à ces questions, il faut comprendre le populisme.

A leur manière, les économistes s’y sont attelés. Ils ont mis en lumière les ravages causés par la crise financière, disséqué les nouvelles inégalités et explicité les effets des transformations du travail. Ils ont réestimé l’incidence du déferlement des exportations chinoises et montré combien villes et régions affectées peinaient à s’en relever. Mais leurs analyses débouchent régulièrement sur la même énigme : comment expliquer que les électeurs votent contre leurs intérêts économiques ?

Yann Algan et ses coauteurs voient dans le populisme l’effet d’une désocialisation. La désagrégation de la société de classes aurait laissé les individus en déshérence

En mettant l’accent sur de nouveaux clivages dits culturels – autour des valeurs, de l’immigration, de la nation –, les politistes offrent une perspective alternative. Mais la théorie du contrecoup culturel de Pippa Norris et Ronald Inglehart (Cultural Backlash. Trump, Brexit, and Authoritarian Populism, Cambridge University Press, 2019, 554 p., 28,53 euros), qui voit dans le populisme l’effet du raidissement de catégories sociales traditionnelles bousculées par les mutations, ne permet pas de comprendre pourquoi tant d’électeurs sont passés sans coup férir d’une définition économique à une définition culturelle de leur identité.

Dans un livre stimulant (Les Origines du populisme, Le Seuil, 208 p., 14 euros), Yann Algan et ses coauteurs voient dans le populisme l’effet d’une désocialisation. La désagrégation de la société de classes aurait laissé les individus en déshérence. Le faible niveau de confiance interpersonnelle qui caractérise les Français les porterait à la défiance envers les institutions et les élites. Mais si elle éclaire le mouvement des « gilets jaunes », cette lecture n’explique pas pourquoi des pays moins désocialisés que la France connaissent des dérives voisines.

L’identité politique, un stéréotype de groupe

Ainsi que l’a noté Didier Eribon dans Retour à Reims (Fayard, 2009), le fait central est que les mêmes couches populaires qui se définissaient hier en termes économiques le font aujourd’hui en termes culturels. La question est de savoir pourquoi. Le grand mérite de Nicola Gennaioli et Guido Tabellini, de l’université Bocconi, est de prendre le sujet de front (« Identity, Beliefs, and Political Conflict », Mimeo, juillet 2019). D’après leurs travaux, l’identité politique est un stéréotype de groupe. Comme aucun camp ne correspond exactement à nos attentes, nous choisissons celui dont nous sommes le plus proche et qui est, aussi, le plus distant des idées que nous rejetons. Cette identification, une fois faite, colore nos perceptions de la réalité : un électeur de gauche n’est pas seulement plus sensible aux inégalités, il en a aussi une perception aggravée parce qu’il s’assimile aux moins bien lotis, tandis qu’un électeur de droite tend plus facilement à les relativiser. C’est ce que Marx appelait la conscience de classe.

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