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Libération

Secours en mer : les ONG ne créent pas d’«appel d’air»

par Kim Hullot-Guiot
publié le 18 novembre 2019 à 19h51

Marine Le Pen, députée française, le 12 juin 2018 : «Derrière le vernis humanitaire, les ONG ont un rôle objectif de complices des mafias de passeurs. […] Accepter que les bateaux de migrants accostent crée un appel d'air irresponsable !» Christophe Castaner, ministre français de l'Intérieur, le 5 avril 2019 : «Les ONG ont pu se faire complices» des passeurs. L'Italien Matteo Salvini, alors ministre de l'Intérieur, le 7 juillet 2019 : «Je n'autorise aucun débarquement à ceux qui se moquent des lois italiennes et aident les passeurs.»

Cette rengaine selon laquelle, en menant des opérations de recherche et de sauvetage (SAR) en mer Méditerranée, les ONG provoqueraient des départs massifs de clandestins vers l'Europe a la vie dure. De SOS Méditerranée à Proactiva OpenArms en passant par SeaWatch, les ONG contestent ce lien - surtout fait par des politiques de droite et d'extrême droite -, mais rien ne permettait jusqu'ici de trancher la question d'une éventuelle relation de cause à effet entre la présence des ONG en mer et le nombre de départs des côtes libyennes. Deux chercheurs ont rendu publique lundi une étude, réalisée pour l'European University Institute de Florence (Italie), sur ce phénomène. La conclusion de Matteo Villa et d'Eugenio Cusumano, qui précisent que les données sont peu nombreuses, est claire : «Notre analyse suggère que les opérations de SAR non gouvernementales n'ont pas de corrélation avec le nombre de migrants quittant la Libye par la mer.» En 2015, le nombre de départs de Libye a même un peu baissé par rapport à 2014, alors que la part des ONG dans le nombre total de sauvetages a augmenté, passant de 0,8 % des opérations à 13 %. Entre janvier et octobre 2019, le nombre de départs par jour était légèrement supérieur lorsque, sur la zone, il n'y avait pas d'ONG - lesquelles sont soumises à des pressions gouvernementales et peinent à être autorisées à débarquer les rescapés en Europe. «Par contraste, une grosse corrélation existe entre les départs de migrants et les conditions météorologiques sur la côte libyenne, autant qu'avec la très forte instabilité politique en Libye depuis avril 2019», indiquent les chercheurs.

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