De l’université aux portes du pouvoir : des carrières au masculin : épisode • 2/3 du podcast Où sont les femmes économistes ?

Des diplômés lors de la cérémonie de remise des diplômes de l'université Harvard à Cambridge en 1972. ©Getty - Boston Globe
Des diplômés lors de la cérémonie de remise des diplômes de l'université Harvard à Cambridge en 1972. ©Getty - Boston Globe
Des diplômés lors de la cérémonie de remise des diplômes de l'université Harvard à Cambridge en 1972. ©Getty - Boston Globe
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Alors que les formations universitaires se sont très largement ouvertes aux filles depuis les années 1970, le monde académique tout comme les hautes sphères de l’économie manquent de parité. Les femmes sont sous-représentées dans de nombreuses professions, et l’économie n’échappe pas à la règle.

Avec
  • Anne Boring Économiste, chercheuse associée au Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP), professeure d’économie à l’Université de Rotterdam et directrice de la chaire pour l'entreprenariat des femmes à Sciences Po Paris

Mais où sont donc les femmes économistes ? Notre enquête se poursuit dans les laboratoires de recherche et les grandes institutions économiques. Partout, les femmes y sont minoritaires. Mais même si leur nombre progresse depuis les années 70, comment le genre continue-t-il à déterminer les carrières ? Et comment les femmes peuvent elles s'imposer dans un monde aussi masculin ?

Depuis la création du prix Nobel en économie, en 1969, seules deux femmes ont reçu la prestigieuse récompense : l’Américaine Elinor Ostrom, en 2009 et la Française Esther Duflot - tout un symbole sur la place réduite des femmes en économie. Il s’agit de comprendre, à la lumière des mécanismes de division sexuelle du travail et de la construction sociale du féminin, comment les femmes peinent à occuper une place paritaire en économie.

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La pénurie des femmes en économie : la survivance d’un système sexiste ?

Si les pays européens connaissent une représentation des femmes supérieure à la moyenne mondiale (19 %), les femmes sont globalement absentes et minoritaires dans le monde de la recherche en économie. Le monde des institutions financières et des banques centrales est aussi un monde très genré : à titre d’illustration, jusqu’au début de la "Grande récession" en 2008, seulement dix des gouverneurs des 160 banques centrales les plus importantes au monde ont été des femmes.

Selon Anne Boring"c'est un constat qu'on fait depuis un certain nombre d'années et qui a été d'autant plus mis en avant ces cinq dernières années. Les femmes restent vraiment minoritaires. Pour donner un exemple, il y a un classement d'économistes qui s'appelle le classement Repec dans lequel plus de 56 000 économistes à travers le monde sont répertoriés. En 2022, on voit qu'il y a 26 % de femmes parmi les économistes répertoriés sur ce site".

Pour Guillaume Vallet, ce phénomène s'observe aussi dans les hautes institutions économiques : "c'est aussi une tendance qu'on remarque car, sur à peu près 185 banques centrales dans le monde, seules 21 sont dirigées par des femmes : seize pour les banques centrales nationales et puis les cinq autres correspondent à la zone euro et à la Réserve fédérale américaine. Même si la tendance évolue dans le sens de l'amélioration et de la progression de l'égalité, on voit qu'il y a quand même encore beaucoup de résistances et beaucoup d'inertie".

Faire carrière en économie : s’insérer dans un monde d'hommes

Au sein de la carrières des femmes, on distingue deux problématiques principales :  la place que l'on occupe à des postes à responsabilités, et il y a les sujets qui sont choisis.

Selon Anne Boring, "les femmes sont cantonnées à certains champs d'études. Elles vont être davantage représentées, par exemple, en économie du travail, économie du développement, santé, éducation, économie du bonheur, économie du genre. Elles sont moins représentées en macroéconomie, finance, en économétrie, en théorie. C'est qu'en fait, les femmes sont davantage écoutées lorsque leurs projets sont davantage valorisés, lorsqu'elles s'engagent dans des domaines qui sont plutôt typiquement féminins".

Pour Guillaume Vallet, "les routines organisationnelles, que ce soit dans les universités ou dans les entreprises, restent marquées par un certain nombre de fonctionnements très genrés. Un certain modèle a eu tendance à survaloriser le fait de se faire voir et d'être présent dans beaucoup de réunions, d'être toujours engagé à travers les réponses aux mails, d'être en tout cas très intégré à l'institution et cela a eu tendance à défavoriser les femmes en termes statistiques. Par conséquent, c'est un facteur à changer si on veut véritablement modifier la position des femmes dans ces structures".

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