Accéder au contenu principal

En Éthiopie, deux ans d'une guerre sanglante

Deux ans après le déclenchement de l'une des guerres les plus sanglantes de ces dernières années, un accord de « cessation des hostilités » a été signé entre le gouvernement éthiopien et les autorités du Tigré, dirigées par le TPLF, le parti qui dominait le pouvoir à Addis-Abeba jusqu'en 2018 et l'arrivée du Premier ministre Abiy Ahmed. Retour sur ces 24 mois de conflit ayant fait à ce jour, selon une estimation, 200 000 victimes militaires et 500 000 victimes civiles. 

Des miliciens éthiopiens Amhara combattant des combattants dissidents de la région du Tigré, dans la ville de Gondar, le 9 novembre 2020.
Des miliciens éthiopiens Amhara combattant des combattants dissidents de la région du Tigré, dans la ville de Gondar, le 9 novembre 2020. AFP
Publicité

Qui a déclenché la guerre dans la nuit du 3 au 4 novembre 2020 dans le nord de l'Éthiopie ? Les belligérants, pendant deux ans, se sont accusés l'un l'autre. Le gouvernement dit que les Tigréens ont massacré leurs soldats « dans leur sommeil » en vue de faire sécession. Les Tigréens disent s'être défendus contre un gouvernement qui, depuis des mois, planifiait un coup de force.

Cette nuit-là en tout cas, a commencé une litanie de massacres et de viols, partout dans le Tigré, tous documentés par les ONG et l'ONU et restés impunis à ce jour.

Un véhicule détruit au bord d'une route, dans la région du Tigré.
Un véhicule détruit au bord d'une route, dans la région du Tigré. © RFI/Sébastien Nemeth

Assez vite, l'armée fédérale éthiopienne, et surtout ses alliés érythréens et amharas, ont pris le contrôle de la province et de sa capitale, Mekele. Le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) s'est alors replié dans le maquis, d'où il est redescendu au cours d'une opération spectaculaire en juin 2021 qui les a portés jusqu'aux abords d'Addis-Abeba, menaçant le pouvoir central.

Après une contre-offensive de dernière minute, le gouvernement a décrété en mars dernier une « trêve humanitaire ». Une trêve davantage synonyme de blocus. Le Tigré était depuis lors affamé, coupé du monde, sans téléphone, sans accès humanitaire libre et sans matériel médical.

« Le TPLF a capitulé »

Fin août, les combats ont donc repris dans un effort pour briser ce blocus. Et les opérations meurtrières ont repris partout dans le territoire tigréen, jusqu'aux pourparlers de Pretoria et la signature d’un accord. 

Le représentant du gouvernement éthiopien, Redwan Hussein Rameto (à g.) et le représentant tigréen, Getachew Reda se serre la main après la signature de l'accord de paix à Pretoria le 2 novembre 2022.
Le représentant du gouvernement éthiopien, Redwan Hussein Rameto (à g.) et le représentant tigréen, Getachew Reda se serre la main après la signature de l'accord de paix à Pretoria le 2 novembre 2022. AFP - PHILL MAGAKOE

Cet accord de cessation des hostilités a suscité une vague de soulagement après deux ans d'une guerre sanglante. Il prévoit un certain nombre de dispositions de transition pour le retour de « l'état de droit » dans le Tigré, et notamment le désarmement des forces armées locales et le retour de l'autorité civile dans le giron de l'État fédéral.

« Il est possible maintenant que les souffrances terribles infligées aux populations du Nord, particulièrement aux Tigréens et aux forces de combattants, soient désormais allégées, voire supprimées. C'est le côté positif. », commente le chercheur et journaliste indépendant René Lefort. 

Mais pour lui, cela ne fait aucune ambiguïté : il s'agit d'une « reddition pure et simple » des Tigréens, épuisés par deux années de massacres. « Cet accord est, pour moi, un accord pour sauver la face du TPLF qui a en réalité capitulé. Le TPLF a capitulé parce que le seul levier dont il disposait pour, au moins, s’approcher de ses fins, c’était sa force militaire. Or, elle est désarmée », analyse-t-il.

Et il conclut : « Donc, Abiy Ahmed, son allié Issayas Afewerki d’Érythrée, ses alliés Amharas feront absolument ce qu’ils veulent de ce document signé. La seule chose sur laquelle les Tigréens et le TPLF peuvent aujourd’hui compter, c’est sur la miséricorde de Abiy Ahmed et de ses alliés ».

Un combattant fidèle au Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) occupe un poste de garde à la périphérie de la ville de Hawzen, dans la région du Tigré, au nord de l'Éthiopie, le 7 mai 2021.
Un combattant fidèle au Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) occupe un poste de garde à la périphérie de la ville de Hawzen, dans la région du Tigré, au nord de l'Éthiopie, le 7 mai 2021. AP - Ben Curtis

« Il n’y aura pas de retrait des forces érythréennes du Tigré »

Cet accord prévoit aussi le retour de l'autorité civile dans le giron de l'État fédéral et, à mots couverts, le retrait des forces érythréennes et amharas qui occupent une partie du territoire. Or, pour M. Lefort, « il n’y aura pas de retrait des forces érythréennes du Tigré et il n’y aura pas de retrait des forces Amharas parce que jamais, ni Asmara ni Bahir Dar ne l’accepteraient ». 

En réalité, l’armée éthiopienne est sous commandement érythréen. Le projet des Érythréens, ils ne l’ont jamais caché : c’est que le Tigré redevienne l’arrière-cour d’Érythrée comme il a été du temps impérial, c’est-à-dire le mettre sous tutelle d’Asmara. Ce projet-là, je suis convaincu qu’Issayas a l’intention de l’implanter.

01:02

Le chercheur et journaliste indépendant, René Lefort

Léonard Vincent

Selon la télévision tigréenne ce jeudi soir, une frappe aérienne aurait fait des morts et des blessés autour de la ville de Maychew, dans le sud du Tigré, dans ce qui serait la première violation suite à la signature de l’accord de paix à Pretoria. La chaîne Dimtsi Weyane, appartenant au TPLF, cite le directeur adjoint d'un hôpital local et montre des images de plusieurs blessés, dont une femme et un enfant. Le gouvernement éthiopien, pour sa part, n'a pas encore fait de commentaire.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.