Depuis 1996 et l’adoption de la "Loi relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité", plus souvent appelée Loi sur la compétitivité ou Loi sur la formation des salaires, les augmentations de salaire, hors indexation, négociées tous les deux ans dans le cadre de l’accord interprofessionnel, sont encadrées par une norme salariale. En gros, le Conseil central de l’Economie calcule le pourcentage d’augmentation de salaire qui serait acceptable pour que les entreprises belges restent compétitives par rapport à celles des pays voisins. Cette année, pour la période 2023-2024 du prochain accord interprofessionnel, tout indique que cette marge sera de 0%.
Il y a deux ans déjà, en période Covid, la marge salariale était très mince, 0,4%. Les syndicats avaient plaidé pour qu’on puisse accorder des augmentations plus importantes dans les secteurs qui avaient bien traversé la crise du Covid et avait enregistré des bénéfices. Ils n'avaient pas eu gain de cause. A la place, c’est un système de primes unique qui avait été décidé par le gouvernement. Les secteurs qui pouvaient se le permettre avaient la possibilité d’accorder de 500 euros maximum à leurs travailleurs.
Cette année, avec une norme salariale à 0%, augmenter les salaires hors indexation impliquerait de faire preuve de créativité… Une prime comme après la période Corona ou une participation au bénéfice des entreprises qui peuvent se le permettre resterait une option. "Mais certaines primes ne sont pas soumises à la sécurité sociale et il y a une déperdition de recettes publiques. C’est un choix de société", estime Philippe Defeyt, de l’Institut pour un développement durable.
Pour l’économiste Jean Hindriks, de l’UCLouvain, "Evidemment, il y a des secteurs où il y a des marges, des secteurs qui se portent mieux que d’autres". "Il faut avoir une approche différenciée, on ne peut pas imposer à toutes les entreprises d’augmenter les salaires", ajoute-t-il. "Ou alors", précise-t-il, "il faut des mesures d’accompagnement", pour les entreprises plus fragiles.
Cela dit, pour les primes que les entreprises ou secteurs les plus en forme seraient autorisées à verser à leurs travailleurs, Jean Hindriks voit "une inégalité de traitement". En effet, "ceux qui ont la chance de travailler dans un secteur qui se porte bien bénéficieraient de primes, alors que d’autres dans un secteur en difficulté, qui ont autant de mérite, n’auraient pas de prime", explique-t-il, suggérant une correction sous forme de "mutualisation de ces primes" pour que "le gouvernement puisse corriger les inégalités de traitement".