La ménopause tue-t-elle vraiment la libido ?

Publié par Marine Nugeron  |  Mis à jour le par Notre experte : Cécile Charlap, docteure en sociologie et auteure du livre "La fabrique de la ménopause"

Dans nos sociétés occidentales, l’arrêt des règles est souvent associé à la baisse du désir. Certaines femmes disent pourtant ressentir un renouveau sexuel. Alors, la diminution de la libido à la ménopause est-elle vraiment une réalité ? Se peut-il que cette idée soit relative ? A quel point le mental intervient-il ? En quête de vérités !

On entend partout et tout le temps que la ménopause rime avec baisse ou perte de la libido et ce pour des raisons « scientifiques », donc non discutables. Un point de vue que ne partage pas totalement Cécile Charlap, docteure en sociologie et auteure de La fabrique de la ménopause (éd. CNRS, 2019) :

« Selon les sociétés, la cessation des menstruations peut être un accroissement des possibles et des pouvoirs, l'avènement d'une sexualité enfin libérée de la fertilité, ou même un non-événement, ne faisant pas l'objet d'une attention particulière, au point qu'il n'existe pas de mot pour le désigner. »

Et ce n'est pas la psychanalyste Élisabeth d'Ardaillon-Lalevée, coauteure de La ménopause, le temps retrouvé, qui la contredira. Il y a huit ans déjà, la psychologue clinicienne l’affirmait : « Chez une majorité de femmes matures il y a un vrai renouveau sexuel, assez semblable à ce que vit l'adolescente sous l'impulsion de ses hormones. » Alors, la ménopause impacte-t-elle vraiment la libido et, si oui, de quelle manière ? Nous avons interrogé Cécile Charlap pour en savoir plus.

Le point de vue de Cécile Charlap, auteure de "La fabrique de la ménopause"

Est-il vrai que la ménopause provoque sécheresse vaginale et diminution potentielle de la libido ? La baisse d’œstrogènes n'a-t-elle pas forcément cette conséquence sur la sexualité des femmes ? 

En tant que sociologue, je m’intéresse aux vécus des personnes et à leurs représentations. Dans les entretiens que j’ai menés avec des femmes ménopausées, ce qui ressort, c’est l’importance de la réaction du conjoint en cas de désagréments tels une sécheresse vaginale ou une baisse de désir. Si le conjoint est compréhensif, ces désagréments sont beaucoup mieux vécus que si le conjoint fait preuve d’incompréhension. 

Comment mesurer l’importance des facteurs psychologiques et des présupposés dans une éventuelle baisse du désir au moment de la ménopause ?

Les individus vivent en société et, de ce fait même, sont influencés par les normes qui y ont cours. Au sujet de la ménopause, ces normes sont véhiculées par les discours médicaux et les médias. Les femmes que j’ai rencontrées déplorent largement la vision négative de la ménopause ainsi véhiculée et expliquent ne pas se sentir représentées. A la ménopause, elles vivent des expériences à la fois plus complexes que ce qui est présenté dans les discours dominants et plus larges que la seule dimension physiologique : c’est tout un ensemble de personnes et de discussions qui entrent en jeu dans le vécu de la ménopause, avec le médecin, le partenaire, les amies ou encore les femmes de la famille...

Comment déconstruire ces schémas stéréotypés ?

Au contraire du stéréotype qui voudrait associer ménopause et fin de la sexualité, de nombreuses femmes ménopausées m’ont expliqué qu’elles ont une sexualité qui les satisfait pleinement : elles n’ont plus à se soucier de la fécondité de leur couple et, grâce à l’expérience, elles ont acquis une connaissance de leur corps et de leur plaisir.

Vous l’aurez compris, si, à la ménopause, les facteurs hormonaux agissent sur le plan physiologique et chimique, leurs conséquences, notamment psychologiques, dépendent en très grande partie de l’idée que chaque femme et son entourage se font de cette étape. En cas de baisse de libido, il conviendrait donc d’interroger les facteurs psychiques et les représentations.

Vous pouvez retrouver Cécile Charlap dans cet épisode d'Hypercondriaque, le podcast de Santé magazine consacré à la ménopause :

La ménopause est-elle encore taboue ?

S'interroger sur ses propres représentations de la ménopause

D'abord, lisez des témoignages positifs, comme celui d’Erika Jagger, blogueuse, qui raconte avoir ressenti une montée en flèche de son désir et non son déclin, et aucunement une sècheresse vaginale.

Ensuite, demandez-vous s'il peut y avoir des explications psychologiques à cette baisse de désir (difficultés relationnelles avec votre partenaire, diminution de l'estime personnelle, léger état dépressif). Si la réponse est oui demandez-vous pourquoi ? Quelles idées négatives vous polluent l’esprit ?

Tentez ensuite de défaire ces représentations, en notant face à ces idées des contre-arguments. (Si, par exemple, vous vous dites que, comme vous n’avez plus la possibilité d’avoir des enfants vous n’êtes plus femme, notez : être femme n’a rien à voir avec le fait d’être féconde).

Listez aussi tous les aspects positifs de la ménopause (plus de règles envahissantes et donc plus de SPM, syndrome prémenstruel entrainant parfois une baisse de moral, plus d’achat de tampons mauvais pour la santé, etc.)

Enfin, relisez nos 3 conseils pour réconcilier ménopause et sexualité !

En bref, l’idée que l’on se fait de la ménopause joue au moins autant que les facteurs hormonaux sur le désir. Selon les femmes et l’environnement dans lequel elles ont évolué, la ménopause peut tout aussi bien tuer ou faire renaitre la libido, ou tout aussi bien ne pas avoir d’incidences notables sur cette dernière.

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